"Hamlet" dans un Kebab d'Aubervilliers, on y était
Il n'a jamais fait de cinéma, ni de direct de sa vie, n'a pas plus l'expérience des textes classiques, mais l'intuition que le kebab, lieu de restauration rapide nombreux à Aubervilliers, est un lieu riche de possibilités. C'est là que Rodrigo Garcia (directeur du Centre Dramatique National de Montpellier) espère en tout cas inventer un langage en jouant sur le contraste entre l'œuvre et le lieu, alliant théâtre et vie réelle.
Cette performance filmée (dans le Restaurant turc "Ayal" situé dans le quartier des Quatre-Chemins) s'inscrit dans la programmation "Pièces d'actualité", imaginée pour fédérer la population autour du théâtre d'Aubervilliers, fréquenté essentiellement par des parisiens.
Ça démarre par un long travelling, entre chien et loup, dans le cimetière d'Aubervilliers. Au volant d'une berline, le spectre du père d'Hamlet, qui quelque temps plus tard viendra souffler l'idée de vengeance à son fils.
Puis on découvre le fameux kebab, utilisé dans ses moindres recoins. Conciliabules et complots, la pièce est respectée dans ses grandes lignes, si ce n'est que les scènes se passent à la table commune, dans les cuisines, les toilettes ou sur le trottoir.
Un certains nombre de scènes filmées en amont sont ajoutés au moment de la captation (ce sera notamment le cas de la mort d'Ophélie, tournée à la piscine municipale).
Parmi les huit interprètes, on trouve aussi bien un prof de français, qu'un chauffeur de taxi. Hamlet, prince du Danemark, est lui incarné par un employé d'une bibliothèque parisienne. Il porte un masque d'escrime.
Foutraque direz-vous ? Et bien il faut avouer que ça fonctionne. On est pris par cette histoire de pouvoir et de vengeance, comme écrite ici et maintenant.
Ophélie en blouson de cuir et Hamlet fument des joints aux toilettes, Gertrude et Claudius, le couple d'usurpateurs royal, s'ébattent dans ce qui ressemble à un extrait de film porno, Hamlet regarde une telenovela désopilante dans laquelle une femme quitte sa famille pour s'occuper d'animaux en voie de disparition… Des séquences que l'on accepte, parce que c'est l'imagination de Rodrigo Garcia qui est au pouvoir, et qu'elles font écho à l'œuvre de Shakespeare.
En revanche les moments où un cuisinier, manifestement d'un grand restaurant, concocte des recettes raffinées pour Hamlet paraissent superflus.
Evidemment on vient voir cet Hamlet (la salle du MK2 Bibliothèque était pleine ce soir là) autant pour l'inventivité du metteur en scène que pour le génie de Shakespeare. Pour notre part la transposition de Rodrigo Garcia nous a harponnés, tant il nous a semblé la plupart du temps respecter le sens profond de cette terrible histoire de vengeance.
"Hamlet Kebab" de Rodrigo Garcia
7, 8 et 10 mars 2016 à 20h
Une performance filmée retransmise en direct au MK2 Bibliothèque
En direct sur Culturebox le 10 mars 2016 à 20h, puis en replay
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