"Haute couture" : une pièce de théâtre immersive aux allures d'enquête policière, dans l'hôtel Kergorlay-Langsdorff à Paris
La pièce de théâtre immersive Haute couture est un hommage aux films noirs des années 50 et à l'univers de la mode de la même époque.
L'histoire
Henri Courtois, jeune couturier en vogue, vient d’hériter d'un hôtel particulier qui appartenait à son père, François Lartigue, mort dans des circonstances étranges. Ses dernières volontés : que sa demeure devienne l’écrin de la maison de haute couture d’un fils dont on lui avait caché l’existence et qu'il venait de rencontrer deux mois plus tôt. L'ouverture de la maison Courtois a lieu dans trois jours mais l’endroit est habité par Béatrice Lartigue, la tante d’Henri, qui rechigne à libérer les lieux.
1959, un hôtel particulier, huit personnages
La première surprise est le lieu choisi pour cette pièce immersive : l'hôtel Kergorlay-Langsdorff dans le 16e arrondissement de Paris - édifié à la fin du 19e siècle par l’architecte Paul-Ernest Sanson pour le Comte Pierre de Kergorlay. Depuis la rue, rien ne distingue cet hôtel cossu aux volets clos, d'un autre. C'est ici, une fois le porche passé, que les huit comédiens invitent une soixantaine de spectateurs à plonger dans l'atmosphère des années 50.
Le top départ de la pièce est donné au pied d'un majestueux escalier de bois que chacun est invité à monter pour découvrir les lieux. Le palier du premier étage distribue plusieurs pièces (dont certaines aux portes closes) : un grand salon - où se déroulent de nombreuses scènes - jouxte l'atelier de couture d'Henri Courtois. C'est le personnage principal. Sa vie a été marquée par des drames : le suicide de sa mère, l'accident de voiture mortel de son grand-oncle qui l'a élevé, et la mort de son père dont il venait de faire la connaissance. Il travaille à l'atelier avec Suzanne Girard, ex modéliste chez Dior.
A côté du grand salon, un plus petit où le spectateur découvre deux comédiennes confortablement assises qui sans un mot tournent les pages de leur magazine : Camille Cendre, mannequin cabine chez Dior, amante du jeune couturier, et Lise Fontenoy, illustratrice, venue visiter la maison de couture avec son amie Camille.
Au deuxième étage, on découvre la grande chambre de Béatrice Lartigue, une femme fragile depuis le décès de ses parents dans un incendie criminel et la condamnation de son frère. Aujourd'hui, sa vie est chamboulée par la disparition du père d'Henri et l’arrivée de son neveu qui transforme son hôtel - qu'elle doit quitter - en studio de couture. Le spectateur la découvre en prière à côté de son lit. Un peu plus loin, un petit couloir mène à la chambre d'Henri.
Un peu plus tard on rencontrera Jules Terrenoire, héros de la Première Guerre mondiale et assassin, venu à la suite d'un coup de fil de Béatrice, mais aussi Jeff Pic, gangster déchu et ancien camarade d'enfance d'Henri, ainsi que Gaston Lacorgne, commissaire, flic corrompu. La découverte du meurtrier du père d'Henri est le fil rouge de cette enquête. Mais chacun cache un sombre secret que le spectateur réussira, ou pas, à découvrir au fil des scènes jouées.
Courses poursuites, plongée dans l'intimité
Au premier abord, le temps semble suspendu. Les metteurs en scène laissent le spectateur se familialiser avec les lieux. Puis, enfin, la pièce débute dans le grand salon. Au son des voix, les spectateurs, jusque là dispersés, s'y rassemblent pour assister à cette première scène. L'installation des personnages et de leurs caractéristiques prend du temps : les présenter en amont aurait sans doute facilité une meilleure compréhension de l'intrigue. Les scènes s'enchaînent pourtant rapidement d'une pièce à l'autre, d'un étage à l'autre sur les 450m2 de l'hôtel.
Ici le spectateur n'est pas passif puisqu'il navigue dans l'histoire en se lançant à la poursuite d’un personnage pour suivre les intrigues qui lui sont proposées. Et comme la scène se déroule à quelques centimètres de lui, il est au cœur de l'histoire. C'est une sensation étrange. Le théâtre immersif est une autre façon d'expérimenter le spectacle vivant en donnant l'impression au spectateur d'être aussi acteur, c'est une expérience théâtrale déroutante, loin de la représentation traditionnelle.
Le public est un observateur qui ne doit pas fouiller dans les décors, ni déplacer les objets, ni ouvrir une porte fermée. S'il décide de suivre un personnage dans une pièce mais qu'il n'est pas assez rapide, il risque de voir la porte se refermer juste sous son nez et de ne pas pouvoir assister à la scène. C'est frustrant.
Pendant cette heure trente de spectacle chacun fabrique son propre parcours au fil des intrigues qui s’entrecroisent et chacun recompose l'histoire au gré de ses choix. Mais ce qu'il ne voit pas ne lui sera pas totalement inconnu : un bruit et le résumé de ce qui vient de se passer à côté par un autre protagoniste lui apporteront des informations.
Chaque scène éclaire le spectateur sur la nature des personnages et l'aide à comprendre qui est le coupable. Situations de danger, comptes à rebours, fausses pistes et histoires d'amour sont au menu de ce polar un rien déroutant mais qui revisite le théâtre traditionnel. Une belle expérience à tester !
"Haute couture" jusqu'au 31 décembre 2022. Durée 1h30. Représentations à 18h30 et 21h, les samedis à 17h et 20h, les dimanches à 15h30 et 18h. Prix : 58 euros. Prolongations à partir du 6 janvier 2023. Hôtel Kergorlay-Langsdorff. 9, rue de l'Amiral d'Estaing. 75016 Paris.
Pièce de Jean Patrick Gauthier et Frédéric Texier.
Mise en scène : Jean Patrick Gauthier.
Scénographie : M. Credou, JP. Gauthier, N. Remy, F. Texier
Costumes : Marie Credou
Direction artistique : Nathalie Remy
Avec Marion Jadot, Stephanette Martelet, Charlie Petit, Boris Ravaine, Julien Roullé-Neuville, Benoît Hamon, Nathalie Remy, Eric Wolfer.
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