"Iphigénie à Splott" : Gwendoline Gauthier triomphe dans la pièce de théâtre de Gary Owen
Une évidence d'abord : Gwendoline Gauthier est d'une rare puissance. L'actrice, en survêtement bariolé, bonnet posé négligemment sur la tête, est en (haute) tension durant 1h30. Iphigénie à Splott, héroïne rock inspirée de la tragédie d'Euripide ou la vie d'une femme, Effie, en prise avec un réel violent et désespérant d'injustice. Effie a le verbe provocateur, narquois, très sensible. Sa vie est loin d'être un fleuve tranquille, mais plutôt une succession de déboires et de misères. Effie vit à Splott, banlieue populaire de Cardiff, rongée par la fermeture des usines, le chômage et la précarité.
Le texte de Gary Owen, mis en scène par Georges Lini, travaille le public au corps et au cœur. Et la prestation brute et sensible de Gwendoline Gauthier donne plus de rage et de révolte à son personnage qui cherche à s'extraire du déterminisme social. En tournée en France et en Belgique à partir de mi-janvier après avoir été remarquée au Festival d'Avignon 2023.
"Vous êtes venus pour moi"
Il y a à la fois du Ken Loach et du Danny Boyle dans Iphigénie à Splott. Rien n'est caché, Effie dévoile tout, en force et en nuances, aussi bien ses failles que ses rêves.
La dimension politique n'est jamais loin, car Effie a des espoirs, des attentes enfouies. Sur un plateau nu, ceint d'un ruban lumineux, entourée de trois excellents musiciens, Gwendoline Gauthier incarne d'une manière bluffante cette femme à fleur de peau.
Dès l'ouverture du spectacle, elle interpelle le public avec bravade : "Vous êtes tous là pour me rendre grâce. À moi. Ouais, j'sais, ça pique. Mais vous, là, chacun d'entre vous, vous me devez quelque chose." Elle, la laissée-pour-compte, celle qui n'intéresse personne, à part peut-être sa grand-mère et Kevin, son amoureux, un peu "blaireau" et souvent émouvant.
Dans ce seule en scène, Gwendoline Gauthier, qui a effectué un séjour à Splott pour s'imprégner du personnage, évite la démonstration. Ses coups de gueule, ses colères, ses coups de cœur explosent avec une sincérité confondante. Effie bout de l'intérieur, consumée par une agitation qui ne s'apaise que lorsqu'elle est ivre morte. Parce qu'Effie boit, beaucoup. Se drogue aussi. Elle cherche l'oubli, jusqu'à l'amnésie.
Puis un jour, elle ne se sent pas seule, plus seule. Enfin. La narration prend une autre tournure. Effie devient une autre personne. Elle a une révélation, des espoirs, sa vie va changer, c'est certain. Mais elle se heurte à la réalité, au mépris de classe. "Pendant combien de temps on va encaisser ? Et que se passera-t-il quand on ne pourra plus encaisser ?".
Le public est avec Effie, la suit à chaque instant. Comme si le personnage avait une Go-Pro fixée au front, une caméra embarquée, pour suivre sa vie au plus près, sans retenue, avec une authenticité brute. Iphigénie à Splott, un récit contemporain qui fait le procès d'un libéralisme effréné et déshumanisant. Un grand moment de théâtre que le public du Centre Wallonie Bruxelles a ovationné pendant de longues minutes mardi 19 novembre. Iphigénie à Splott, le triomphe de Gwendoline Gauthier.
La fiche :
Texte : Gary Owen
Traduction : Blandine Pélissier et Kelly Rivière
Durée : 1h30
Mise en scène : Georges Lini
Avec : Gwendoline Gauthier
Direction musicale : François Sauveur
Musiciens : Pierre Constant, Julien Lemonnier et François Sauveur
Lumières : Jérôme Dejean
Costumes : Charly Kleinermann et Thibaut De Coster
Co-Production : Théâtre de poche (Belgique) / Cie Belle de Nuit
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