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Isabelle Huppert en Avignon : putain, vestale et souveraine !

Jeudi 9 juillet, pour une soirée unique dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, Isabelle Huppert a lu un montage de sulfureux textes de Sade. A elle seule, la grande comédienne a dompté le mistral, s’est fait l’incarnation du vice et de la vertu… Fortiche !
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Sophie Jouve)

Huppert, le vice et la vertu

Entre chien et loup, sous un fort mistral, sa voix claire et autoritaire la précède dans la Cour du palais : « Je ne m’adresse qu’à des gens capable de m’entendre ». Isabelle Huppert, délicate silhouette dans sa longue robe coquelicot, entre sur l’immense plateau.

Oubliant le pupitre, texte à la main, elle incarne pour un soir à la fois Juliette et Justine, le vice et la vertu, l’envers et l’endroit d’une seule âme. C’est une idée du philosophe Raphaël Enthoven, qui a opéré un montage d’écrits du Marquis de Sade, principalement « Justine ou les malheurs de la vertu » et « L’histoire de Juliette ou les Prospérités du vice ».

Et Huppert, comme l’avait rêvé Enthoven, est d’emblée double. Un mouvement de tête, une inflexion de voix, un battement de cil, un léger changement de lumière et la voilà qui bascule d’un personnage à l’autre. Le public rit de ce subtil dédoublement de personnalités.  
Isabelle Huppert lit Sade en Avignon, 9 juillet 2015
 (Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon)


Sade... et le mistral

Mais il y Sade et il y le mistral qui affole les pages de son texte, fait voleter ses cheveux dans les yeux, frémir l’étoffe soyeuse. Mais rien ne l’arrête, Huppert joue avec les éléments, dompte les pages de son scripte, son corps palpitant sous l’effet du vent. Elle est comme une flamme sur l’impressionnant plateau, dont sa frêle silhouette a réussi a prendre possession, tantôt mutine tantôt scandaleuse, tantôt candide tantôt jouisseuse.


"Deux chemins possibles"

Regard de braise et menton haut, la voici Juliette, refusant les humiliations, la peine et la douleur, portant blasphème contre l’église et la justice de Dieu, prônant le libertinage. En vicieuse qui assume ses vices.

« La difficile carrière de la vertu » de Justine va la conduire à subir les sévices les plus épouvantable : violée, trahie, persécutée au fil de ses rencontres avec un moine, un seigneur, un chirurgien, une femme… Implorant la clémence de Dieu, croyant à l’immortalité de l’âme : aucun outrage ne semble apparemment la souiller.

« Entre la figure christique inaltérée dont le comportement vertueux est sans cesse puni-Justine-et la fourbe qui se résigne et consent aux supplices qu’on lui inflige au point d’en avoir la maîtrise-Juliette-il y a l’expression de deux chemins possibles de l’existence humaine », écrit Enthoven dans sa déclaration d’intention.


L'art de la lecture

De ce texte cru et lubrique, il ressort bien sur que le vice est le plus court chemin vers le bonheur. Une philosophie dont Sade tira une loi universelle qui fit scandale. Mais de cette représentation unique et très courue, nous restera avant tout l’art de la lecture et la richesse de palette d’une de nos plus grandes comédiennes.









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