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"James Brown mettait des bigoudis" : l’éloge de la différence par Yasmina Reza au Théâtre de la Colline

Yasmina Reza questionne l’identité, les identités, le genre, dans une pièce légère et profonde. Elle interroge aussi la parentalité. "James Brown mettait des bigoudis" est servi par une distribution impressionnante.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Micha Lescot, André Marcon, Alexandre Steiger, Josiane Stoleru, Christele Tual et le musicien Joachim Latarje dans la pièce de Yasmina Reza "James Brown mettait des bigoudis". (PASCAL VICTOR/Opale)

"Jacob est dingue ", explose de rage son père. Son épouse n’est pas entièrement d’accord. Leur fils n’est pas comme les autres, mais il n’est pas fou. Ou si peu. Les parents sont perdus, littéralement, sur le grand plateau du Théâtre de la Colline à Paris et nagent dans la plus totale confusion. Nous sommes dans une maison de repos, au milieu d’une nature domptée par les hommes. Les arbres sont comptés et recomptés. Dans cette maison, "un asile", dira plus tard le père dans un moment de lucidité et de colère, les patients sont en paix avec eux-mêmes, acceptés tels qu’ils sont, tels qu’ils se voient. Jacob se vit en Céline Dion. Il/elle invite ses parents à des concerts dans sa chambre et tient des conférences de presse avec lui/elle-même. Philippe, son seul ami, rencontré dans la maison de repos, se voit, lui, avec la peau noire. Mieux, le jeune homme blanc s'imagine activiste noir.   

La normalité est-elle bien raisonnable ? 

Les deux amis sont suivis par une psychiatre pour qui "freiner, c’est capituler". Une psychiatre exubérante, pleine de vie et de fantaisie incarnée par une Christèle Tual irrésistible. La nouvelle pièce au titre délicieusement absurde de Yasmina Reza, autrice et metteuse en scène, James Brown mettait des bigoudis, questionne l’identité, les identités. Elle interroge aussi la parentalité. La normalité est-elle bien raisonnable ? Ses personnages évoluent dans un décor minimaliste, avec une mise en scène épurée.

Les parents, Pascaline et Lionel, interprétés par les formidables André Marcon et Josiane Stoléru, tous deux impressionnants de retenue, courent derrière leur "Pitounet", leur enfant. A la recherche du Jacob d’avant Céline. Or Jacob a évolué, même si ses géniteurs ont du mal à l’accepter. "Cette nuit, j’ai rêvé qu’il s’était mis à coudre sur ton petit tambour à broder… Est-ce le rêve d’un père", confie, accablé, Lionel à sa femme. Pourtant, les parents vont aussi progresser à leur tour. Dans la douleur. Et la solitude.

Scène de la pièce "James Brown mettait des bigoudis" de Yasmina Reza. (PASCAL VICTOR/Opale)

 

Entre rire et spleen, Yasmina Rez montre les fêlures narcissiques de ses personnages. Elle n'impose aucune réponse. Il n’y a ni conclusion, ni morale. Sinon celles que le spectateur en tire lui-même. 

Fiche

 

Titre : James Brown mettait des bigoudis

Texte et mise en scène :  Yasmina Reza

Durée : 1h45
Distribution :  Micha Lescot, André Marcon, Alexandre Steiger, Josiane Stoléru, Christèle Tual et le musicien Joachim Latarjet
Musique : Joachim Latarjet en collaboration avec Tom Menigault
Dates:  jusqu’au 15 octobre 2023 au Grand Théâtre du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30 sauf les dimanches 1er et 8 octobre à 16h30 relâche dimanche 24 septembre

Lieu : La Colline - théâtre national, 15, Rue Malte Brun, 75020 Paris

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