"Je suis la maman du bourreau" : la magistrale reconstitution par Clémentine Célarié de l'effondrement d'une mère
La lumière se fait progressivement sur la scène du théâtre de La Pépinière et laisse découvrir une femme d'un certain âge, vêtue d'un pull rose pâle et d'un collier de trois rangs de perles. Les premiers mots de Gabrielle de Miremont, le personnage campé par la comédienne Clémentine Célarié dans sa nouvelle pièce Je suis la maman du bourreau, jettent immédiatement un froid.
Sa diction et la raideur de sa posture sont annonciateurs de la gravité de ce que cette mère s'apprête à confier et dont l'on devine toute l'étendue quand elle lance : "Tout ce qui est arrivé ces derniers mois a balayé l’édifice imposant que j’étais, a raviné jusqu’aux fondations de mon être". D'abord agrippée au "carnet matelassé d'or bleu nuit", où elle couche le récit de son effondrement, cette femme pieuse va méticuleusement revenir sur les jours et les années qui ont précédé la découverte du corps sans vie de son enfant, le père Pierre-Marie,"(son) fils, (son) amour, (son) dieu, (sa) chute".
Créée à Avignon l'été dernier, Je suis la Maman du bourreau, qui se joue jusqu'au 4 mai au théâtre de La Pépinière à Paris, est l'adaptation du roman homonyme de David Lelait-Helo. En plus d'interpréter le rôle-titre, Clémentine Célarié a adapté et mis en scène cette pièce.
Assise sur une chaise, sur un lit ou même par terre, debout ou encore à genoux, Gabrielle de Miremont raconte comment elle a découvert que son fils était "un diable". Elle se souvient des premières alertes dans la presse locale, le choc ressenti, le déni, la rencontre avec une victime, puis la cruelle vérité sur l'enfant dont elle avait fait sa couronne. Pierre-Marie avait été indubitablement adulé par sa mère, qui se souvenait même de l'instant de sa conception. Consécration ultime : elle avait décidé d'en faire cadeau à son Dieu. Normal, "il avait le regard de Dieu, bleu de ciel".
Clémentine Célarié fait ainsi passer Gabrielle de Miremont d'un état émotionnel à un autre avec une impressionnante dextérité. Elle est, tour à tour, grave, un tantinet désabusée quand elle évoque sa vie de couple ou encore extatique quand elle parle de son cher fils. C'est avec la même aisance qu'elle reconstitue les dialogues de son personnage avec le journaliste, qui révèle la face cachée de son rejeton, la victime de son bourreau de fils et le monstre lui-même. L'actrice remplit l'espace de ses déplacements précis dans un décor épuré et fonctionnel que la flamme d'une bougie éclaire doucement.
Pendant un peu plus d'une heure, Clémentine Célarié garde l'audience scotchée à l'histoire désastreuse de cette mère qui aurait, peut-être, pu se rendre compte des funestes penchants de son fils. La Gabrielle de Miremont que dépeint l'actrice est à la fois aveuglée par l'amour inconditionnel que seule une mère voue à son enfant, entêtée et éminemment lucide. Après la tirade finale de Je suis la maman du bourreau, on est doublement sonné. Par l'intensité de la charge émotionnelle de la pièce. Et par la finesse du jeu de Clémentine Célarié dans un époustouflant seule en scène.
"Je suis la maman du bourreau" au théâtre de la Pépinière, jusqu'au 4 mai 2024. Les mardis et mercredis à 19h, du jeudi au samedi à 21h, les dimanches à 15h.
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