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Jouée dans les lycées, "Dear Prudence" de Christophe Honoré veut rapprocher les jeunes de l'univers du théâtre

"Dear Prudence" est un spectacle itinérant joué dans huit lycées français, de Nantes, Paris, Strasbourg et Reims. La représentation s'inscrit dans un programme d'analyse théâtrale et de découverte des métiers de la scène baptisé "Lycéens citoyens".   

Article rédigé par Manon Botticelli
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Sébastien Eveno et Olivier Dupuy jouent "Dear Prudence".  (Tuong-Vi Nguyen)

La scène est éclairée. Un homme est assis devant un bureau. Un autre entre dans la lumière. Un dialogue commence, c'est le début de la pièce. Nous ne sommes pourtant pas dans un théâtre mais au lycée polyvalent Elisa-Lemonnier, 12e arrondissement de Paris. Alors que les salles de spectacle sont toujours fermées à cause de la situation sanitaire, les représentations en milieu scolaire sont encore autorisées. C'est un jeudi après-midi et deux comédiens interprètent Dear Prudence, une pièce écrite par Christophe Honoré et mise en scène par Chloé Dabert à destination exclusivement du public scolaire.

La représentation s'inscrit dans le projet "Lycéens citoyens", porté par quatre théâtres français : La Colline à Paris, le Théâtre National de Strasbourg, le Centre dramatique national de Reims et Le Grand T - Théâtre de Loire-Atlantique. L'objectif de ce programme : toucher des jeunes "éloignés du théâtre" en amenant la scène dans les écoles, nous explique Marie-Julie Pagès, responsable du public scolaire au théâtre de la Colline. Après le spectacle, plusieurs temps d’analyse sont organisés avec les élèves : l’un avec leur professeur de lettres, l’autre avec l’équipe artistique.

Une semaine d'immersion au théâtre

Ces élèves ont aussi participé à une semaine d’immersion pour découvrir les métiers du théâtre et assister à des ateliers de mise en scène et de jeu. "Les élèves ne sont pas forcément partants au départ, car ils ont des préjugés sur le théâtre", avance Nicolas Nobis, professeur de lettres et d'histoire au lycée Elisa-Lemonnier. "C’est pour cela que la partie pratique est importante, elle leur permet de construire leur propre rapport au théâtre, en passant par le jeu".

Dépendants d’une situation sanitaire instable, les organisateurs s'estiment heureux que le projet puisse être mené à bien. "Il y a une semaine, je pensais que ce serait foutu", lance Nicolas Nobis. La dernière partie du programme, impliquant trois représentations suivies d'analyses dans les théâtres partenaires, est en suspens en raison de la situation sanitaire. "Heureusement qu’on peut faire des choses en lycée, c’est un peu tout ce qu’il nous reste", glisse la metteuse en scène Chloé Dabert.

Au lycée Elsa-Lemmonier, les élèves du CAP esthétique cosmétique parfumerie découvrent le spectacle dans leur amphi, plongé dans la pénombre. Sur l'estrade transformée en scène, Dear Prudence raconte la confrontation entre un professeur et le père d’un ancien élève de terminale qui entretenait une relation amoureuse avec son professeur et qui ne se remet pas de leur séparation. 

Sébastien Eveno joue dans "Dear Prudence".  (Tuong-Vi Nguyen)

"J’ai demandé à Christophe Honoré d’écrire une pièce où on ne représente pas les jeunes", nous explique Chloé Dabert. "Nous ne serions pas légitimes de penser ou de se mettre à leur place. Je souhaitais donc que la pièce représente des adultes qui parlent d’un jeune qui n’est pas là. Cela leur laisse de la place et leur permet d’avoir leur avis".

"Une évasion"

Après la pièce, vient le temps d'une première analyse chorale - une description sans jugement de ce qui a été vu et ressenti pendant la représentation - supervisée par le professeur de lettres et deux encadrants du théâtre de la Colline. Les élèves décortiquent la représentation, de l'itinéraire des personnages aux détails de l’éclairage jusqu'à analyser le changement de coiffure d'un des comédiens, qui a détaché ses cheveux sur scène. "C’est parce qu’il [son personnage] était stressé", justifie une élève. "Ou peut-être qu’une mèche le gênait, tout simplement ?", rebondit une camarade. La conversation glisse sur des sujets de société abordés par la pièce : l'interdit d'une relation entre un professeur et un élève (même s'il est majeur) et le pouvoir que l'enseignant peut exercer. 

"C’est une pièce qui nous permet d’échanger sur plein de choses", avance Chloé Dabert pour qui le théâtre "est un endroit pour créer société, créer un questionnement, se rencontrer, parler de choses sur lesquelles on ne s’était pas interrogés, des sujets que les élèves n’aborderaient pas en cours d’une autre manière". Pendant l’analyse, un parallèle est fait par le professeur entre les sujets traités par la pièce et un des thèmes des épreuves du bac, Identité et diversité.

Au-delà de l’aspect pédagogique, un des objectifs revendiqué par les organisateurs est d’offrir une "bulle d’air" aux lycéens dans un quotidien affecté par les restrictions sanitaires. Pour Chloé Dabert, la représentation est avant tout "un moment où on oublie tout ce qui se passe à l’extérieur. C’est une évasion."

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