"Kings of War" : la folie des souverains du monde selon Ivo van Hove
"Kings of War" est une réflexion brillante, souvent ironique et parfois un peu trop dense sur l’exercice du pouvoir et son corollaire, faire la guerre ou pas.
Une war room
Nous voilà au coeur de la prise de décisions, dans une war room spartiate, comme celle de Churchill à Londres pendant la seconde guerre mondiale, avec cartes en pagailles, écran radar, lit de camp et dans une alcôve un quatuor de cuivre et la voix du ténor Steve Dugardin. Un défilé de courtisans vêtus de costumes cravates déboulent sur un tapis rouge, ils escortent Henri V qui se fait couronner.Cette scène frappante va se reproduire au fil de cette page sanglante de l’Angleterre qui s’étire de la mort de Henri IV en 1413 à celle de Richard III en 1485, qui voit la chute de la maison d’York et l’avènement des Tudors.
La cape d’hermine et la fameuse couronne ne quittent pas la scène, rangées dans une armoire à pharmacie aux côtés des seringues servant aux crimes qui vont s’enchaîner.
Fluidité parfaite entre la scène et le hors champs
Ces crimes commis en coulisse dans un dédale de couloirs d’un blanc clinique, sont filmés en direct et projetés sur grand écran avec, tout au long du spectacle, une fluidité parfaite entre la scène et le hors champs.
Hans Kesting est un impressionnant Richard III
La deuxième partie voit l’ascension du terrifiant Richard III (impressionnant Hans Kesting) dans un salon épuré où trône un miroir qui l’obsède, lui le laissé pour compte, le difforme, avec sa tache de vin qui lui mange le visage.
De l'agitation du roi Henri V et ses courtisans autour des cartes lumineuses au dépouillement du salon de Richard III, on est arrivé à une conception glaçante et totalement autocentré de l'exercice du pouvoir.
De magnifiques moments de théâtre
Le règne du roi monstrueux offre de magnifiques moments de théâtre : Richard ivre de pouvoir téléphone à Barak, Angela et Poutine ! C'est en prenant le thé qu'il annonce d'un ton détaché la mort de son frère Clarence qu'il a fait assassiner. Après sa mort dans une aube rougeoyante, Richard abandonné de tous se met à tourner comme un cheval affolé sur le champ de bataille alors que résonne encore sa folie : "La conscience, dit-il, est un mot inventé par les lâches".
Le jeu de la quinzaine de comédien est d’une sobriété et d’une intensité remarquable. Citons le grand Ramsey Nasrn, en Henri V visionnaire et fin stratège qui unifie l’Angleterre en faisant la guerre à la France. L’étonnant Eelco Smits est un Henri VI timide et impuissant, affublé d’énormes lunettes. Monarque sensible, croyant fervent, il se rêve en berger dans une vidéo savoureuse où on le voit perdu au milieu d’un troupeau de mouton et de chèvres.
La présence de ces comédiens de haut vol, le rythme très cinématographique insufflé par Ivo van Hove font un peu oublier les 4 heures de ce spectacle en néerlandais surtitré. Mais « Kings of War » demande malgré tout une attention soutenue, largement facilitée quand on a révisé son histoire d’Angleterre avec les 16 heures du "Henry VI" de Thomas Jolly !
« Kings of War », mise en scène de Ivo van Hove, au Théâtre de Chaillot
Jusqu’au 31 janvier 2016
1 Place du Trocadéro, 75016 Paris
Réservation : 01 53 65 30 00
Les autres Shakespeare à l’affiche, dans le cadre des 400 ans de la mort du dramaturge :
« Contes d’hiver », mise en scène de Declan Donnellan aux Gémeaux de Sceaux jusqu’au 31 janvier 2016
« Richard III », mise en scène de Thomas Jolly au Théâtre de l’Odéon jusqu’au 13 féfrier 2016. A voir aussi en replay sur Culturebox
« Roméo et Juliette », mise en scène d’Eric Ruff à la Comédie-Française
« Hamlet » par le théâtre du Globe de Londres au Théâtre de la Cartoucherie le 5 février à 14H (anglais surtitré)
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