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L'héritage politique d'Angela Merkel au coeur d'une pièce de théâtre en Allemagne

La fin des années Merkel se rapproche mais le théâtre de Brême n'a pas attendu pour tirer le rideau, avec une pièce consacrée à son héritage politique. Un signe de plus que les Allemands commencent déjà à tourner la page.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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  (MOHSSEN ASSANIMOGHADDAM / DPA / AFP)
La pièce "Angela I." montée par la Bremer Shakespeare company, dont la première représentation a eu lieu jeudi, se veut une "histoire dans le futur" centrée autour des thèmes de la démocratie en crise, du populisme et du gouffre grandissant entre dirigeants politiques et citoyens. On y voit une Angela Merkel qui n'est plus chancelière partager une cigarette avec son ancien conducteur et faire le bilan. Autour d'elle, le système parlementaire est en train de s'effondrer, à l'image d'une scène où l'aigle, symbole de l'Allemagne, qui trône normalement au Bundestag, s'envole dans un cri de vautour.
L'actrice Silke Buchholz dans la peau de la chancelière allemande dans "Angela I." 
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"Nous commençons la pièce avec une Merkel qui n'est plus au pouvoir, et là j'ai des visions dystopiques (une dystopie est une contre-utopie, ndlr)", explique l'auteure de la pièce Katja Hensel. "Malgré tous les reproches que j'ai, je crois que ce sera difficile (sans elle) parce que Merkel a apporté beaucoup de stabilité à une Europe qui a l'air assez fragile", ajoute-t-elle.

"Véritable tragédie" 

Dans le monde réel, la chancelière allemande de 64 ans, au pouvoir depuis 2005, a entamé en décembre une sortie progressive du pouvoir à la suite de revers électoraux. Elle a dû quitter la présidence de son parti conservateur CDU, qui depuis, mois après mois, s'émancipe de l'héritage centriste de la chancelière. Angela Merkel entend officiellement quitter la politique au terme de son mandat en 2021, mais les médias allemands s'attendent à ce qu'elle tire sa révérence plus tôt.  Peut-être dès cet automne si son partenaire minoritaire de coalition, le Parti social-démocrate, aujourd'hui au plus bas dans les sondages, décide de claquer la porte. Ou si le parti CDU subit de trop forts reculs lors des élections européennes du printemps, puis lors de scrutins régionaux allemands à l'automne, sous la poussée de l'extrême droite.
  (MOHSSEN ASSANIMOGHADDAM / DPA / AFP)

Sous l'impulsion de la nouvelle présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, surnommé "AKK", le mouvement d'Angela Merkel a déjà entrepris de se droitiser. Il vient d'acter un virage restrictif en matière de politique d'immigration, en promettant que l'ouverture des frontières du pays en 2015, décidée par Angela Merkel, à plus d'un million de migrants ne se reproduirait plus. Plusieurs responsables CDU ont aussi déclaré Mme Merkel (bête noire de l'extrême droite) persona non grata lors des réunions électorales prévues cette année pour les scrutins régionaux dans l'ex-RDA. "Il y a une campagne électorale dans l'est de l'Allemagne, et, en tant que chancelière, on lui demande de ne pas faire campagne pour son propre parti dans sa propre région natale", s'alarme Mme Hensel, pour qui cela constitue une "véritable tragédie".

"Etrangers" 

Dans la pièce de théâtre, le personnage de la chancelière, joué par Silke Buchholz, juge que les Allemands de l'est tentés par des systèmes autoritaires lui sont "étrangers". "Mais me sont encore plus étrangers les Allemands de l'ouest qui ne défendent pas" le système actuel, s'exclame le personnage, qui arbore le pantalon et la coiffure blonde emblématiques de Mme Merkel. Tout d'abord salué, son geste humanitaire d'accueillir les demandeurs d'asile en Allemagne en 2015 lui a ensuite valu de vives critiques des opposants à l'immigration et au multiculturalisme, et des détracteurs de l'islam.
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Le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) est ainsi entré à la Chambre des députés en 2017 et est depuis représenté dans tous les parlements régionaux. Le monde politique allemand est depuis chamboulé. Stefan Otteni, le metteur en scène de la pièce de Brême, veut tout de même croire que la fin politique d'Angela Merkel sera digne. "Elle a été intelligente d'annoncer son propre départ, et elle a eu de la chance qu'AKK soit élue parce que je pense que la princesse couronnée ne décapitera pas Angela Merkel", juge-t-il. "Elle sera la première chancelière à ne pas être chassée du pouvoir", prédit-il.

 

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