"Là" au théâtre des Bouffes du Nord : du blanc, deux corps et un oiseau sur scène dans un spectacle intrigant et drôle
Voix, acrobatie, danse, peinture... Dans "Là", leur spectacle plein d'humour, Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias de la compagnie Baró d’Evel expérimentent ce mélange des arts. Accompagnés de Gus, leur corbeau pie. Jusqu’au 5 mars au théâtre des Bouffes du Nord.
"Le corbeau pie adore le papier, faites attention à votre carnet, il risquerait de se ruer sur vous", avertit l’attachée de presse au début du spectacle Là créé par la compagnie Baró d’Evel. Jusqu’au 5 mars, le couple d’artistes Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias danse et exécute des acrobaties au théâtre des Bouffes du Nord, accompagné de Gus, un corbeau pie. Un vrai, bien vivant et parfois capricieux. "Lors des répétitions, il s’est envolé au 5e étage du théâtre et ne voulait plus redescendre", ajoute-t-elle.
Oiseau rebelle
Pour les circassiens, l’oiseau rebelle n’est pas un problème. Au contraire. Depuis la naissance de la compagnie Baró d’Evel en 2001, les deux responsables artistiques ont choisi de travailler avec des animaux libres, sans jamais chercher à rendre automatiques leurs mouvements. A la place, ils tentent de créer avec eux un langage commun, qui demande un "investissement profond", indique Camille Decourtye sur le site de Baró d’Evel. Confiant, le volatile sautille gaiement d’un bout à l’autre de la scène et escalade sans appréhension les bras puis la tête des interprètes.
Guide, observateur, Gus n’est pas en représentation, mais seulement dans l’instant présent. "Chaque scène où les animaux interviennent garde une part d’improvisation", ajoute Camille Decourtye. L'incertitude est grisante. Face au corbeau pie, les mots disparaissent - Gus déchiquette littéralement le script de l’un des personnages - remplacés par le langage du corps, plus instinctif. Au milieu de trois grands panneaux blancs entourant la scène, les deux artistes, tout de noir vêtus - lui en costume et elle en robe souple - alternent entre tressautements, gestes désarticulés, et cris.
"Un art total"
Le son tient une place majeure dans le spectacle. Avant même le début de la représentation, une onde lancinante rebondit en continu sur les murs en pierre du théâtre. Elle est coupée par des bruissements étranges. Raclements, crépitements, crachotements. Un pied - celui de Blaï Mateu Trias - transperce l’un des murs blancs, créant une fente juste assez large pour que le reste de son corps s’y faufile. Ainsi qu’un micro. Camille Decourtye, arrivée sur scène de la même manière que son partenaire, s'en empare et se met à chanter telle une cantatrice.
Quelques secondes plus tard, le couple est en train de danser. Il la porte, elle tournoie, ils s’embrassent. Toutes les disciplines se mélangent pour former ce que la compagnie appelle "un art total". A cette compilation s’ajoute une dimension plastique. En s’appuyant contre l’un des panneaux immaculés, Blaï Mateu Trias laisse derrière lui une grande traînée sombre. Sous une pellicule de peinture blanche, le mur est totalement noir. Avec son micro en guise de stylo, l’interprète esquisse des premiers croquis. Un grésillement accompagne chaque tracé. Sous les yeux des spectateurs, le son se dessine.
Un cœur qui s’emballe
D’abord irrégulier, Blaï Mateu Trias finit par frapper son micro en rythme sur la paroi. Petit à petit, le mur se met à ressembler au cardiogramme d’un cœur qui s’emballe. Image révélatrice du spectacle, puisqu’il s’agit de vie et d’émotions brutes. "Que reste-t-il quand on a tout enlevé ?", questionne le pitch de la représentation. L'essentiel : du blanc, deux corps et un corbeau pie. Parti du rien, la pièce construit un tout. Durant une heure et dix minutes, les êtres se percutent les uns les autres dans un ballet faussement naïf, vraiment poétique.
"Là", de la compagnie Baró d’Evel
Théâtre des Bouffes du Nord jusqu'au 5 mars
37 (bis), bd de La Chapelle, 75010 Paris
01 46 07 35 59
Du mardi au samedi à 20h30
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