La famille complètement « A l’Ouest » de Nathalie Fillion aux Célestins à Lyon
Dans la famille Lebas, je demande Madeleine, la grand-mère. Incarnée par l’excellente Laurence Février (qui a travaillé entre autres avec Antoine Vitez, Robert Hossein, Etienne Chatilliez et même Steven Spielberg !). Elle est le véritable pilier de cette famille recomposée pour ne pas dire décomposée. C’est d’ailleurs en tant que chef de famille que ses petits enfants Louis (Hubert Lemire) et Julie (Estelle Meyer) viennent lui demander son aide.
Leur père Jean (Olivier Cruveiller), qui vient de changer d’antidépresseur, est pris d’une fièvre philanthrope. Il veut vendre la propriété familiale de La Baule et profiter de la vie en dépensant son argent, ou plutôt, LEUR argent. Tout allait bien tant qu’il était « gripsou, comme vous, papi et toi ». Mais là, catastrophe : Jean devient généreux. Il héberge Adel (Ismaël Tifouche Nieto), le fils de son ex (« Il a besoin d’un père, le nôtre lui convient »), sa compagne roumaine (Carole Malinaud) et leur bébé.
Sans parler de la nouvelle copine de Jean : Adeline (Manon Kneusé) à peine plus âgée qu’eux !
Une famille au bord de la crise de nerfs
Non décidément, il y a quelque chose de pourri au royaume des Lebas : Madeleine doit faire quelque chose ! Cette scène, prologue de la pièce semblera familière aux habitués de la Comédie Française. Il s’agit en effet de la pièce courte « Les descendants » que Nathalie Fillion avait écrite pour la vénérable institution en 2008.
De cet embryon est né un bel enfant. Coproduite par le théâtre des Célestins et celui du Rond-point (Jean-Michel Ribes assistait d’ailleurs à la première à Lyon), « A l’Ouest » est une étude de mœurs d’une justesse à la fois drôle et émouvante. Certains trouveront la pièce peut-être un peu trop longue (2h20) mais toutes les réunions de famille ne le sont-elle pas ?
Ce qui est sûr, c’est que le spectateur se retrouve un peu (voire beaucoup !) dans ces personnages au bord de la crise de nerf, et de la crise tout court ! Des ados en quête de repères, au père maniaco-dépressif en passant par le grand-père (Jean-Claude Durand) qu’Alzheimer a plongé dans une douce folie, tout cela nous parle. Et de quelle façon ! Les dialogues de Nathalie Fillion servis par une distribution brillante, font mouche.
« Il y a des choses auxquelles on tient qui ne tiennent à rien. Des gens aussi. » (Madeleine Lebas)
Sur un rythme effréné, celui de notre temps, les personnages décochent des répliques qui nous vont droit au cœur. « Il y a des choses auxquelles on tient qui ne tiennent à rien. Des gens aussi. » dit Madeleine. C’est cette fugacité des faits et des sentiments que la pièce nous révèle sous le prisme de la famille en tant que micro société. Une société frappée par la crise aussi bien financière qu’affective dans laquelle l’intime et le politique s’entremêlent.
Nathalie Fillion n’est pas une moraliste. Chacun tirera sa propre morale de cette fable moderne, à la lumière de son vécu. L’auteure ne voit dans sa pièce qu’une seule vérité : « Tout n’est pas à vendre. Tout n’est pas à acheter. » Une pensée à méditer à l’heure où le destin d’un pays tout entier semble reposer sur trois petites lettres.
"A l'Ouest" publié chez Actes Sud-Papiers (janvier 2012)
Au théâtre des Célestins du 13 au 21 janvier 2012, en tournée en France et au Théâtre du Rond-Point à Paris du 2 mars au 1er avril 2012.
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