"La Tempête" à la Comédie-Française : Shakespeare à l’hôpital
Une sorte de cellule ou de chambre d’hôpital totalement close et dépouillée symbolise l’espace mental de Prospero. Un Prospero alité, en proie aux cauchemars. La paranoïa d’un homme qui a perdu le pouvoir, et qui 12 ans après ne s’en remet toujours pas.
Ce parti pris de Robert Carsen pour aborder "La Tempête", évacue la magie et les multiples pouvoirs surnaturels du personnage, pour se concentrer sur sa psyché. Des projections vidéo de vagues en furies et de gros plans de visages terrifiés tapissent les murs et figurent la fameuse tempête, devenue mentale.
Prospero (Michel Vuillermoz), c’est ce duc de Milan destitué par son frère Antonio (Serge Bagdassarian) avec l’aide d’Alonso (Thierry Hancisse), roi de Naples. Jeté dans une barque avec sa fille Miranda, ils échouent sur une île inhabitée. Lorsque l’usurpateur passe aux abords de l’île, Prospero orchestre sa vengeance avec l’aide d’Ariel (Christophe Montenez), un esprit qu’il a mis à son service.
Prospero et Ariel sont habillés de pyjamas blancs. Les naufragés, l’usurpateur et le roi de Naple ainsi que leur suite, sont en uniforme gris. La seule touche d’onirisme vient des ombres géantes de Prospero soulignant sa fureur et ses tourments : se venger ? Pardonner ? Marier sa fille bien-aimée Miranda (Georgia Scalliet) avec Ferdinand (Loïc Corbery), fils du roi de Naples, qui ne ressemble surtout pas à son père.
La scénographie et la mise en scène peuvent décontenancer, mais les comédiens du Français déploient leurs talents pour servir le texte dans la traduction de Jean-Claude Carrière. Michel Vuillermoz donne toute sa palette de sentiments au mélancolique Prospero, Christophe Montenez est un gracieux Ariel, Loïc Corbery et Georgia Scalliet charment par leur innocence. Il y a aussi dans la pièce de Shakespeare une dimension burlesque portée par Hervé Pierre en délicieux bouffon, Stéphane Varupenne en sauvage Caliban et Jérôme Pouly en majordome ivrogne.
On peut faire confiance à l’esprit de troupe de la grande maison pour nous faire passer une bonne soirée. On regrettera cependant, pour ceux qui n’ont jamais vu cette pièce si étrange, l’une des dernières de Shakespeare et pas souvent montée, que soit évacuée toute poésie surnaturelle comme s’il s’agissait de l’univers mental d’un homme atteint de névroses. Ce qui est finalement assez réducteur, et devient un procédé un peu galvaudé chez les metteurs en scène.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.