Le "Dom Juan" de Molière réinterrogé sur les planches à Lille : "Ce n'est pas juste l'histoire d'un séducteur"
À partir du 17 janvier 2023, le metteur en scène David Bobée présente son adaptation de la pièce "Dom Juan" au théâtre du Nord à Lille. Il y interroge le rapport de "ce séducteur" aux femmes.
C'est un débat qui n'existait pas du temps de Molière, lorsqu'il écrivit sa pièce "Dom Juan" au 17e siècle. Dans la création "Dom Juan ou le festin de pierre" présentée mardi 17 janvier au Théâtre du Nord, à Lille, le metteur en scène David Bobée propose une relecture "critique" du célèbre personnage de Molière. Il s'agit, selon lui, d'une grande figure devenue "problématique" car symbole d'une "masculinité violente" révolue.
En revisitant ce classique, le directeur du théâtre, connu pour son engagement politique, entend questionner le rapport du public aux grands personnages historiques et littéraires "dont les histoires nous encombrent", a-t-il expliqué mercredi lors d'une conférence de presse.
Une tournée en France
Présenté du 17 au 29 janvier à Lille, "Dom Juan ou le festin de pierre" sera ensuite joué jusqu'en juin dans 14 lieux à travers la France. À l'heure où "la société s'interroge" sur le déboulonnage des statues, les mêmes questions se posent dans l'espace culturel, estime-t-il: "Peut-on encore jouer certaines situations ou pièces, embêtantes" dans leur manière d'aborder "les rapports de domination, les violences faites aux femmes ?".
"Dom Juan, ce n'est pas juste l'histoire d'un séducteur, c'est l'histoire de la domination" et "tous les endroits de la discrimination contemporaine" s'y trouvent, avance-t-il. "Chaque scène traite d'une violence qu'il fait subir" aux autres: "la glottophobie" face à l'accent des paysans, le mépris de classe "face aux pauvres", "l'âgisme avec son père", et "évidemment le sexisme".
"Le théâtre doit représenter la violence, mais pas n'importe comment"
David Bobéemetteur en scène
Par sa mise en scène, David Bobée choisit "d'humaniser" des personnages secondaires, pour faire "ressortir la violence" de Dom Juan. Il a choisi comme décor d'immenses statues, abîmées ou couchées au sol, d'anciens personnages illustres: un dieu oublié (sans tête, membres, ni sexe), ou une "fusion" de personnages historiques comme Staline, Néron ou Caligula. Autant de "parties honteuses de notre histoire", selon le metteur en scène.
Sans dénaturer le texte ni "couper les phrases problématiques", David Bobée s'est permis de "dégenrer" certains personnages ou de modifier leur origine ethnique. "Le père, figure majeure, devient une mère. Les paysannes, des paysans à l'accent mandarin."
Le choix des acteurs se veut aussi "manifeste" pour une "diversité d'origines, de corps, d'âges". Pour le rôle principal, David Bobée a choisi Radouan Leflahi, déjà interprète de son "Peer Gynt", en 2018. Shade Hardy Garvey Moungondo, Nadège Cathelineau ou Catherine Dewitt lui donneront la réplique. "Le théâtre doit représenter la violence, mais pas n'importe comment", conclut David Bobée. "Faut-il déboulonner les statues ? Non. Mais peut-être retirer quelques piédestaux."
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