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Le grand retour du scénographe Richard Peduzzi, de Chéreau à la nouvelle "Scala" à Paris

Avec la mort en 2013 de son "alter ego", le grand metteur en scène Patrice Chéreau, Richard Peduzzi avait perdu le goût du travail. Mais le célèbre scénographe, créateur de décors avant-gardistes d'opéra et de théâtre, est de retour. Il a scénographié la Scala, ancien lieu de la nuit parisienne transformé en théâtre ultramoderne.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Le scénographe Richard Peduzzi dans son atelier en juin 2018.
 (JOEL SAGET / AFP)

Le public parisien découvrira cette semaine la dernière œuvre de l'artiste français d'origine italienne, Richard Peduzzi : la scénographie de la Scala, ancien music-hall, théâtre de boulevard et multiplexe pornographique reconverti en théâtre ultramoderne, inauguré ce 11 septembre.

"Faire des décors de théâtre, c'est une façon d'échapper à l'enfermement"

Il a fallu son audace pour faire peindre tout le théâtre en bleu.
La Scala-Paris, le 10 septembre 2018
 (JOEL SAGET / AFP)
Cette même hardiesse a marqué toute la carrière du scénographe de 75 ans qui, avec l'iconoclaste Chéreau, a révolutionné le théâtre et l'opéra moderne grâce notamment à la production du "Ring" de Wagner en 1976.

Né à Argentan (Orne), son enfance est assombrie par le souvenir de sa mère emprisonnée. Ses décors - souvent des masses verticales symbolisant les dangers qui guettent les personnages - en seront marqués. "Faire des décors de théâtre, pour moi, c'est une façon d'échapper à l'enfermement", racontera-t-il dans son livre "Là-bas, c'est dehors".

Le duo mythique formé avec Patrice Chéreau

Le souvenir de Chéreau le hante encore. "Quand je dessine chez moi et j'ai envie de dire à Patrice alors comment tu le trouves le dessin ?'", dit-il. Ils se sont rencontrés en 1968 alors qu'ils avaient 25 ans et n'ont cessé depuis de collaborer. Ensemble, ils ont ulcéré les puristes wagnériens avec un décor inspiré de la révolution industrielle pour le "Ring" à Bayreuth au lieu des casques ailés et peaux de bêtes traditionnels. La production récolta finalement une ovation de 45 minutes, l'une des plus longues de l'histoire moderne.

Le duo n'a pas été épargné par les critiques - la production de l'opéra "Lulu" d'Alan Berg en 1979 a été qualifiée par le New York Times de "vandalisme esthétique" - mais au-delà de la controverse, la signature Chéreau-Peduzzi fascinait, au théâtre comme à l'opéra mais aussi au cinéma. Les décors de "La reine Margot", le plus grand succès de Chéreau, sont également l'œuvre de Peduzzi avec Olivier Radot. "Patrice pouvait me parler de décors, moi de la mise en scène, ce mélange était notre monde", affirme Richard. Peduzzi.

Le scénographe a connu les honneurs : plusieurs nominations aux César, un Molière en 2011 (pour "Rêve d'automne") et sa nomination à la tête de l'École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris (de 1990 à 2002), puis de la Villa Médicis à Rome (de 2002 à 2008).

"J'étais perdu"

Sa vision de la scénographie n'a pas changé: "le décor doit vivre, c'est lui-même un acteur qui participe à l'action".  Lui qui a donné ses lettres de noblesse au métier encore incompris de scénographe dit se battre encore pour cet art à part entière.  "Les mots italien 'scenografo' et anglais 'set designer' veulent dire décorateur de théâtre. En France, scénographe peut signifier décorer une expo ou aménager une fromagerie !", plaisante cet homme affable. "Un scénographe, ce n'est pas simplement un décorateur à qui un metteur en scène dit +là je veux trois portes, là une fenêtre."

Cette passion l'a abandonné après la mort de Chéreau en octobre 2013. "Dans mon esprit, c'était un chaos absolument terrible. J'étais perdu", se souvient-il. "Pendant très très longtemps, je ne voulais voir personne, je restais chez moi", confie le scénographe, qui perd deux ans plus tard un autre ami et collaborateur, le réalisateur et metteur en scène suisse Luc Bondy.

A la Scala, entièrement refaite, il peut "inventer tous ses rêves"

Fin 2015, il répond à l'appel de Frédéric Biessy, producteur, et de sa femme Mélanie, femme d'affaires, qui se lancent dans l'aventure folle de rouvrir la Scala - qui n'a rien de commun avec son homonyme de Milan excepté le nom. En visitant les lieux la première fois, il n'y avait que des gravats, des pigeons, des salles de ciné porno. Il repart peu convaincu, avant de revenir trois jours plus tard. "Ce théâtre, c'est une 'cage de scène' où on peut inventer tous ses rêves", dit-il.

"C'était passionnant de réinventer un théâtre avec toute l'équipe", souligne Richard Peduzzi à propos de la Scala, qui sera unique avec ses 220 panneaux acoustiques variables, son gradin rétractable et une jauge modulable (entre 550 et 750 places).

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