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"Le Monte-plats" : tout le sarcasme de Pinter dans une mise en scène énigmatique

La saison Pinter poursuit la commémoration du décès du grand dramaturge anglais il y a dix ans. "Le Monte-plats", sans doute une de ses pièces jouant le plus de l’absurde, est jouée au Théâtre du Lucernaire, à Paris, reprise par la compagnie La Boîte aux Lettres, avec originalité, mais aussi un certain hermétisme.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
 Benjamin Kühn, Bob Levasseur, Simon Larvaron et Mathias Minne dans "Le Monte-plats" d'Harold Pinter au Lucernaire (2018)
 (Y. P.)

Deux tueurs à gages attendant leur client dans un sous-sol. Le "patron" est détaché, lit le journal et le commente, alors que son subalterne ne cesse de poser des questions et doit préparer un thé qui ne viendra jamais. Jusqu’à ce qu’un mystérieux monte-plats leur suggère de commander des consommations qui vont les déstabiliser jusqu’à une confrontation fatale.

Film noir

Avec ses dialogues incongrus évoquant des faits divers dramatiques aux consonnances absurdes, puis des échanges de sourds entre ses protagonistes, "Le Monte-plats" évoque Ionesco. Le thème majeur de l’attente, teinté de métaphysique dans une situation banale, rappelle, lui, Becket. Harold Pinter prend le dessus dans les recoupements avec ces deux auteurs contemporains pour mettre en situation une réalité très concrète, afin de traiter de la nature humaine.

"Le Monte-plats" répond à ces prérogatives, avec une référence inattendue au polar, au thriller, s’agissant de deux tueurs à gages prêts à remplir leur contrat. La mise en scène d’Etienne Launay exploite bien cette référence en utilisant le fond de cour avec deux écrans où s’inscrivent les silhouettes des acteurs, dans la tradition du film noir et du graphisme expressionniste lié au genre.
  (Le Lucernaire)

Mise en scène hérmétique

Mais l’interrogation surgit dans le dédoublement des personnages qui de deux passent à quatre, alors qu’ils sont les mêmes sans que l’on en saisisse la raison. Le plateau les sépare et quand l’un sort côté cour, son équivalent apparaît côté jardin. Mais rien d’une duplicité, d’une dualité chez les personnages ne justifie ce choix. Leurs propos et agissements sont en totale continuité diégétique. Alors pourquoi ce parti-pris de mise en scène qui domine la pièce ?

Demeure des acteurs parfaitement dans le texte et en leur présence, dans le jeu, les costumes et la gestuelle, convaincants et constants. Pièce sur le pouvoir invisible d’instances supérieures sur les individus, elle interroge la soumission des hommes et leur dépendance aux ordres. La situation parabolique fait de ces tueurs à gages de pauvres marionnettes, conspirateurs de leur propre mort dans un final à la John Woo. Beau texte, à la mise en scène intéressante, mais qui reste toutefois à justifier.
Le Monte-plats : affiche Lucernaire 2018
 (DR)

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