Le "Stabat Mater" de Scarlatti revisité au Théâtre des Bouffes du Nord : la mère, l’amour et le sacré
Ce n’est pas un spectacle à résumer, mais une expérience à vivre. Les puristes du Stabat Mater de Domenico Scarlatti seront complètement déroutés par cette nouvelle version de Maëlle Dequiedt. Les autres, tous les autres, trouveront matière à émotions et réflexions. La metteuse en scène s’est affranchie littéralement des codes et des contextes pour signer une œuvre fort originale. Cet adjectif souvent galvaudé prend tout son sens ici. Dès le premier tableau – la pièce en compte neuf –, le ton est donné : fantaisie, burlesque, délire, anachronisme, humour et transgression (le tout au pluriel). Quatre cardinaux, interprétés par deux hommes et deux femmes, sont en conclave pour désigner un pape parmi eux. Un combat épique se déroule sous l’œil surpris des spectateurs. Et au nouveau pape d’implorer Notre-Dame des sept Douleurs. Et ainsi de terrasser ses adversaires de mille fléaux, les plongeant dans des douleurs atroces.
Stabat Mater est un texte religieux du Moyen Âge, attribué au poète franciscain Jacopone da Todi. Il commence ainsi : "Elle se tenait, dans la douleur, près de la croix, en larmes, tandis que son Fils était suspendu". La mère qui se tenait debout, "Stabat Mater dolorosa", est Marie qui assiste impuissante aux souffrances de son fils sur la Croix. Le texte a été mis en musique à de nombreuses reprises, mais la composition de Domenico Scarlatti est sûrement l'une des plus célèbres. Né le 26 octobre 1685 à Naples et mort le 23 juillet 1757 à Madrid, Giuseppe Domenico Scarlatti est un compositeur baroque et claveciniste virtuose qui a passé la première partie de sa vie dans l'ombre de son père, Alessandro, musicien très renommé et principal promoteur de l'opéra napolitain. Le Stabat Mater serait une commande du Vatican pour la basilique Saint-Pierre.
Maëlle Dequiedt et Simon-Pierre Bestion, à la direction musicale, se sont emparés du texte et de la musique du Stabat Mater pour lui donner une tonalité résolument contemporaine. Résultat : une sorte d’opéra baroque-rock euphorisant. "J’ai découvert ce Stabat Mater à l’époque où j’étais chef-assistant et claveciniste d’un ensemble baroque. Nous avions travaillé l’ouvrage pendant près d’un an, ce qui m’avait laissé tout le temps de l’apprivoiser, de développer avec lui une relation à la fois profonde et libre", se souvient Simon-Pierre Bestion.
Le fil conducteur de ce spectacle pourrait être le rôle de la mère au fil des siècles, un miroir tendu à la société actuelle avec toutes les problématiques qui la traversent. Le Stabat Mater, version Maëlle Dequiedt-Simon-Pierre Bestion, consacre la vie avec une liberté de création assumée. Pleine et entière. En s’affranchissant du religieux, ils donnent une autre dimension au sacré. Un spectacle qui s’affranchit des genres et des codes. Avec une scénographie pleine d’ingéniosités et de trouvailles, des artistes et musiciens surdoués au chant, au jeu d’acteur, à la danse. Mention spéciale à Frédéric Leidgens qui apporte une touche de douce folie, incroyablement émouvante. Ce Stabat Mater est une invitation à un voyage onirique et flamboyant. Gros coup de cœur.
Fiche
D’après : Domenico Scarlatti
Création collective : La Phenomena et La Tempête
Mise en scène : Maëlle Dequiedt
Direction musicale et arrangements : Simon-Pierre Bestion
Dramaturgie : Simon Hatab
Scénographie : Heidi Folliet
Costumes : Solène Fourt
Lumières : Auréliane Pazzaglia
Chorégraphie : Olga Dukhovnaya
Régie générale / plateau : Jori Desq
Son : Mateo Esnault
Assistante mise en scène : Clara Chabalier
Assistante costumes : Salomé Vandendriessche
Distribution : Youssouf Abi-Ayad, Emilie Incerti Formentini, Frédéric Leidgens, Maud Pougeoise
Durée : 1h30
Lieu : Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, 75010 Paris
Dates : Jusqu’au 28 octobre
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