Les femmes artistes réclament la parité dans la culture "maintenant"
Les chiffres parlent d'eux-mêmes: 96% des opéras et 95% des concerts sont dirigés par des hommes, 85% des centres dramatiques nationaux, 75% des théâtres nationaux et 70% des centres chorégraphiques nationaux sont dirigés par des hommes. 81,5% des postes dirigeants de l'administration culturelle sont occupés par les hommes alors que les femmes représentent 51,6% de la population. "Il faut faire savoir ce fait inadmissible", s'alarme la chef de choeur et d'orchestre Laurence Equilbey, à l'origine de cette étude sur la place des femmes dans le spectacle vivant réalisée en 2011.
Lundi, onze militantes de l'association féministe La Barbe se sont invitées sur le plateau du Théâtre de l'Odéon à Paris lors de la présentation de la saison 2012/2013. Au programme, 14 spectacles, 14 auteurs hommes et 14 metteurs en scène hommes. Les "barbues", qui s'affublent pour leurs interventions de poils postiche, ont félicité le nouveau directeur Luc Bondy pour son "sans faute" devant un public où les rires fusaient. "Après le cinéma, le théâtre: des hommes, des hommes et encore des hommes!", ont-elles constaté, alors que des femmes avaient déjà dénoncé au Festival de Cannes une sélection officielle strictement masculine.
La SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) leur a emboîté le pas en appelant mercredi les pouvoirs publics à promouvoir l'égalité hommes/femmes dans la culture et le spectacle vivant par des textes officiels. Elle demande le recensement systématique des inégalités, à l'image des études menées par Reine Prat en 2006 et 2009 et par Laurence Equilbey aujourd'hui, ainsi que la sensibilisation des publics, des élus et des responsables d'administration.
"On va se fâcher"
Réunies au Sénat aux côtés de Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la Culture, de l'Education et de la Communication, et de la présidente du conseil d'administration de la SACD, l'auteure Sophie Deschamps, des femmes artistes ont témoigné. Muriel Mayette, administratrice générale de la Comédie-Française, nommée il y a six ans à la tête de la prestigieuse institution, est souvent utilisée comme "la femme alibi", selon les artistes. "Quand j'ai eu ce poste, je ne voyais pas l'étonnement que pouvait susciter ma nomination", a-t-elle dit, ce qui l'a amenée à féminiser son titre lorsque son mandat est reconduit en 2011. Elle se dit "désarmée" face aux questions "surréalistes" sur son ressenti en tant que "première femme à diriger la Comédie-Française".
Pour l'auteure et metteur(se) en scène Denise Chalem, "tout est toujours à recommencer"."Le service public et la culture devraient montrer la voie et une vraie mixité pour que la société évolue vers la parité", estime Laurence Equilbey. "Ca fait 300 ans qu'on met des femmes de valeur de côté", ajoute la musicienne, répondant à ceux qui affirment qu'une parité obligatoire mettrait à l'écart des hommes de valeur.
Brigitte Lefèvre, directrice de la danse de l'Opéra de Paris, a pour sa part évoqué auprès de l'AFP des "réseaux" masculins qui ont "un effet démultiplicateur". "Pour l'instant, on est courtoises, on rigole, mais il faut que ça change. Parce que sinon, on va se fâcher", a prévenu Sophie Deschamps.
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