"Les Rustres" de Goldoni : la révolte des femmes explose au Vieux-Colombier
Alors que le Carnaval bat son plein, Lucietta (Rebecca Marder, nouvelle recrue de la Comédie-Française) coud des chaussettes auprès de sa belle mère (Coralie Zahonero). Porter des bijoux, des masques tout lui est interdit, alors sortir ou se montrer au balcon, il ne faut pas y penser. Et voilà qu'elle apprend que son castrateur de père, Lunardo, veut la marier au fils de son ami Maurizio. Un projet qu'il tient secret car il exige que les fiancés se découvrent le jour des noces.
Irrésistible Christian Hecq
Lunardo, c'est l'irrésistible Christian Hecq qui retrouve là un rôle à la mesure de son talent comique. Avec ses mimiques et son corps élastique, il est cet ayatollah sûr de son bon droit. Et ses amis, ne valent pas mieux. Gérard Giroudon, Bruno Raffaelli et Nicolas Lormeau forme une belle brochette de rustres, très bien typés. Le contraste entre Hecq, petit et caoutchouteux, et cette armoire à glace qu'est Raffaelli est désopilant.Entre commedia dell'arte et folie burlesque
Benoit mène cette guerre des sexes entre commedia dell'arte et folie burlesque, déclenchant des rires en cascades, opposant la brutalité et la bêtise des hommes à l'exaspération des femmes. Brimées, rabrouées, coupées du monde celles-ci n'ont que leur ruse et, chose nouvelle, leur solidarité pour s'en sortir.On prend conscience combien entre l'époque de Molière et de Goldoni leur situation a tout de même évoluée. Elles sont capables de rébellion même si le pouvoir des hommes est encore terrible. Là où les pères de Molière ne voient jamais leur pouvoir remis en question, ceux de Goldoni sont vus comme des bouffons qui devront rendre les armes.
Une plaidoirie en faveur de la liberté des femmes
Goldoni clôt d'ailleurs sa pièce avec une plaidoirie brillante (il fut avocat) en faveur de la liberté des femmes que Molière n'aurait pas osé tenter. C'est Clotilde de Bayser qui joue avec passion cette femme libre, un peu entremetteuse qui veut que l'amour des jeunes gens prime sur la loi des pères.C'est par le décor que Jean-Louis Benoit réussit à nous rappeler le triste sort des filles : étonnant sentiment de claustrophobie dans les couleurs feuilles mortes de l'appartement de Lunardo où nous sommes enfermés, avec à la fin de chaque acte des rideaux de fer qui en fermant les logements donnent le sentiment que ceux-ci sont de vraies prisons.
Bien sur on aurait pu imaginer, comme on le voit très souvent, un Goldoni plus lumineux qui nous replonge dans l'atmosphère de la Venise du 18e siècle, mais Jean-Louis Benoit et ses comédiens réussissent très bien ce mélange de cruauté et de satire sociale qui fait le prix de ces Rustres, et c'est pourquoi on passe une si bonne soirée.
Dernières répétitions :
"Les Rustres" de Goldoni au Théâtre du Vieux-Colombier
Mise en scène de Jean-Louis Benoit
Du 25 novembre 2015 au 10 janvier 2016
21 rue du Vieux-Colombier, Paris VIe
Réservation : 01 44 58 15 15
En replay sur Culturebox à partir du 30 décembre 2015
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