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Les théâtres parisiens attisent les convoitises.

Balayant le pessimisme ambiant sur la rentabilité du secteur, de grandes salles parisiennes changent de mains. Nouvelle génération, nouveaux profils.
Article rédigé par franceinfo - Sophie Jouve
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Laurent Ruquier et son associé Jean-Marc Dumontet
 (DR Sophie Jouve)

Et de quatre ! Après le Point -Virgule, Bobino, le Théâtre Antoine (associé à Laurent Ruquier),  Jean-Marc Dumontet le producteur de Canteloup, vient d'acquérir les Folies Bergère en association avec le groupe Lagardère. 4 salles en 5 ans, joli palmarès pour ce quadragénaire à la fois dénicheur de talents et businessman avisé : "Quand vous avez un projet de spectacle, le plus dur c'est de trouver une salle. Avoir un théâtre ça facilite les choses".

Dans le petit bureau feutré du Théâtre Antoine, tapissé d’un velours délavé qui disparaît sous les affiches, déboule le trublion Laurent Ruquier. Déjà animateur et auteur à succès, il est depuis cet été le nouveau copropriétaire des lieux, l’un des plus beaux théâtres privés parisiens qui étaient piloté par la même famille depuis 1943. Ruquier et  Jean-Marc Dumontet ont repris le fond de commerce mais pas les murs. « Avec Laurent nous sommes associés à 50/50, précise Dumontet. Le théâtre nous a coûté 4 millions dont 1,6 millions de dettes. On ne l’aurait pas fait l’un sans l’autre ». Et Ruquier pince sans rire : « si on est sérieux et travailleurs, il n’y a pas de raisons que ça se passe mal ! ».

« J’ai plutôt du pif pour ça » L.Ruquier

L’animateur lit une pièce par jour : « beaucoup de textes m’arrivent, des auteurs, des metteurs en scènes nous sollicitent et puis il y a les projets personnels qu’on veut initier. Quand une saison démarre, je sens ce qui va marcher, j’ai plutôt du pif pour ça ! ».
Un peu frustrés de ne pas avoir choisi le spectacle de rentrée « Hollywood » (avec Daniel Russo, Samuel le Bihan et Thierry Frémont), les deux associés travaillent sur un spectacle pour janvier avec 11 comédiens sur scène. « Il y a du public pour le divertissement » conclut Ruquier qui souhaite également accueillir des auteurs contemporains.

Sur le boulevard Saint Martin, l’un de leur proche voisin, Jean Claude Camus, Fête ses 10 ans à la tête du théâtre de la Porte Saint Martin : « un vaisseau amiral de 1050 places comme s’amuse à l’appeler Jacques Weber ». Camus se montre détendu, ne semble pas écrasé par le poids des enjeux. « Oui je gagne de l’argent ! » clame le vieux routier du Show Biz. Il y en a toujours qui pleurent famine. C’est vrai que ce n’est pas facile, mais il faut avoir un peu d’imagination pour trouver les bonnes pièces ».

« Le Petit Saint Martin sera ma petite danseuse » JC.Camus

En janvier, l’ex- producteur de Johnny Hallyday a repris le théâtre de la Madeleine. Une troisième salle, Le Petit Saint Martin, tombera dans son escarcelle en juillet 2012 : « J’ai acheté le fond 3000 euros le fauteuil. Avec Le Petit Saint Martin ce n’est pas l’argent qui me motive. Avec mes grands bateaux je passais à côté de pièce intéressantes qui s’adressent à un public plus retreint. Ce sera ma petite danseuse ».
Ainsi on l’a bien compris un théâtre se vend à la valeur du fauteuil, en général 3 à  4000 euros. A cela s’ajoute les dettes contractées par les anciens propriétaires. C’est dire si les nouveaux aventuriers doivent payer de leur poche. Jean-Claude Camus se dit bénéficiaire, mais qu'en est- ils pour les autres ?

« Rentable un théâtre ? disons qu’on gagne, on perd. Sur l ‘année on arrive en général à l’équilibre », philosophe Stéphane Angelberg, repreneur avec Michel Colla du théâtre des Mathurins. Les deux quadras dirigent déjà le théâtre de Gaité : « On était souvent obligés de décliner des propositions. Il y a eu cette opportunité, on s’est dit banco. Même si notre dernière saison à la Gaité était moyenne ».

Stéphanie fagadau prend la relève de son père à la Comédie des Champs Elysées.

« En tout cas les transactions sont plutôt à la hausse confirme Antoine Masure, du Fond de soutien du théâtre privé. Même si le marché du théâtre n’est pas flambloyant, ces reprises sont rassurantes, elles prouvent que diriger une salle privée est une aventure jugée suffisamment viable ».

A la tête de la Comédie des Champs Elysées, Stéphanie Fagadau prend la relève son père décédé au printemps dernier : « Mon père faisait une à deux mises en scène par an. Depuis son décès j’ai beaucoup d’appels car les professionnels savent que nous allons nous ouvrir à l’extérieur ». La jeune femme veut alterner classiques et contemporains. En projet, un David Mamet avec Yvan Attal, puis en 2012 une Folle de Chaillot avec Anny Duperey, mise en scène par Nicolas Briançon. « Dans notre métier quand on fait deux mauvaises saisons, c’est difficile de s’en sortir, j’aimerais garder ce théâtre le plus longtemps possible ». Le cri du cœur d’une aventurière !
 

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