"Lettres à Nour" : Eric Cantona sur scène face à la radicalisation islamiste
Eric Cantona aime le théâtre. Après "Face au Paradis", "Ubu enchaîné" et "Victor" sous la direction de sa femme Rachida Brakni en 2015, le revoilà sur les planches pour un texte d’une brûlante actualité. La lecture du roman de Rachid Benzine, "Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?", a bouleversé le King qui a accepté immédiatement de le dire sur scène. Père de 4 enfants, il estime que personne n’est à l’abri de cette radicalisation.
Reportage : France 2, P. Deschamps, G. michel, J. Michaan, J. Pires.
Deux lectures de l'islam
Sur scène, une immense table blanche. D’un côté, la jeune Nour, 20 ans, partie vivre en Irak avec un lieutenant de Daesch qu’elle a épousé après l’avoir rencontré sur internet. De l’autre son père, musulman progressiste et professeur de philosophie. Ce père veuf inconsolé s’était replié sur la présence rassurante de sa fille et la voici qui lui échappe pour des raisons qui lui font horreur.Leur correspondance démarre en 2014 et va durer deux ans. Les lettres mettent du temps à arriver. La jeune fille exaltée, installée à Falloujah, exprime sa révolte face à l’Occident perverti, son bonheur de participer à la "reconstitution de la cité heureuse, de chasser les mécréants…"
Ne pas briser le lien
Le père tente de lui rappeler leurs valeurs communes, dénonce la dérive mortifère de l’islamisme, fait part de ses réflexions sur la religion, l’endoctrinement, mais toujours avec un immense amour de père et la volonté de ne pas briser le lien. "La religion n’enferme pas, elle libère l’amour." Il supplie sa fille de rentrer, et bien sûr il se reproche de ne rien avoir vu venir. La tension entre eux augmente devant les vaines tentatives de convaincre l’autre.Cantona dans un costume informe d’universitaire transmet toute la détresse d’un père. On est un peu désarçonné, au début, par son accent inimitable alors qu’il incarne un universitaire arabe. Mais son jeu sobre, ses regards, ses silences dégagent une vraie émotion. La belle Nacima Betkhtaoui lui donne la réplique, fanatisée, puis se désincarnant peu à peu. La naissance d’une petite fille nommée Djihad symbolise des lectures différentes de l’islam, mais c’est elle, au final, qui pérennisera le lien fort entre le père et la fille.
La mise en scène de Charles Berling est très sobre, presque trop. Pas de déplacement, évidemment aucun contact entre les personnages. On pourra reprocher à ce spectacle de ressembler à une simple lecture de lettres. Il n’empêche, le drame vécu par cet universitaire touche parfaitement sa cible, c’est-à-dire chacun d’entre nous.
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