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"Macbeth" fête les 50 ans du Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine

Le Théâtre du Soleil a présenté mercredi soir à la Cartoucherie de Vincennes sa première grande production depuis 4 ans, un "Macbeth" grandiose qui mobilise toute la troupe fondée il y a cinquante ans par Ariane Mnouchkine sous forme de coopérative ouvrière.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Le Théâtre du Soleil à la Cartoucherie de Vincennes
 (BERTRAND GUAY / AFP)
Le spectateur, accueilli à la porte par Ariane Mnouchkine en personne, est d'abord ébloui par le vaste hall d'accueil où l'on s'attable sans façon à de grandes tables en bois, comme dans un pub. Les murs sont décorés du sol au plafond de magnifiques reproductions peintes à la main des affiches historiques de "Macbeth".
Sur scène, une sombre bataille se déroule derrière le rideau pendant que les spectateurs finissent de s'installer. Une guerre qui pourrait tout aussi bien se dérouler en Afrique aujourd'hui que du temps de Shakespeare.
La lande brumeuse d'Ecosse est bien là, avec l'apparition des trois sorcières qui vont prédire à Macbeth qu'il sera roi, déclenchant sa folie meurtrière. Mais les décors, qui apparaissent et disparaissent en un clin d'oeil à chaque scène, sont contemporains. Les sorcières jouent à allumer et éteindre les lumières et font tonner le ciel, mais savent aussi malicieusement faire apparaître un ordinateur pour dire la prophétie.

Défauts de jeunesse
Macbeth lui-même, "un des personnages les plus maléfiques de tout le théâtre", comme le rappelle Ariane Mnouchkine dans la présentation de la pièce, pourrait être un dictateur d'aujourd'hui, lancé dans la destruction de son peuple, tel Bachar al-Assad en Syrie.
Pour Ariane Mnouchkine, l'ambition n'est pas une explication suffisante à la folie meurtrière de Macbeth, "pas plus que ce n'est suffisant de se dire que l'amour de l'argent explique la goinfrerie de notre époque". "Il y a une maladie, une pathologie chez Macbeth qu'il ne connaît pas lui-même, et que, tout à coup, il découvre, et à laquelle il cède avec une ivresse, et j'allais dire, une bêtise très étonnante".
Ariane Mnouchkine, directrice et fondatrice du "Théâtre du Soleil"
 (MARCUS BRANDT / DDP / AFP)
Macbeth est celui qui "dit à un moment 'la prochaine fois, j'agirai sans réfléchir'. (...) Voilà quelqu'un qui au fond, se méfie de la pensée. C'est donc très grave. Et ce qu'il fait, ce qui lui arrive et ce qui arrive, c'est qu'il va jusqu'à troubler l'ordre-même de la nature".
La pièce a trouvé en Serge Nicolaï son Macbeth, et en Maurice Durozier son Duncan (le vieux roi assassiné). Lady Macbeth (Nirupama Nityanandan) est moins vénéneuse que dans d'autres interprétations, mais y gagne en folie. La pièce n'est bien sûr pas sans défaut, notamment dans l'interprétation encore mal assurée, mais on sent qu'il s'agit de défauts de jeunesse.
Ariane Mnouchkine, qui avait repoussé le début des représentations d'une semaine, jugeant le résultat pas assez abouti, est postée en vigie dans les gradins et prend des notes. Le spectacle ne demande qu'à se bonifier avec le temps. Un tonnerre d'applaudissements salue les 42 comédiens à la fin.
Complet jusqu'au 31 mai
Ariane Mnouchkine, 75 ans, renoue avec cet "Hamlet" avec le cycle des Shakespeare créés de 1981 à 1984 (Richard II, La Nuit des rois, Henri IV). Dans les années 90, un cycle des Atrides puisait également aux sources du théâtre mais, depuis, la troupe s'était lancée dans de grandes créations contemporaines, souvent écrites par Hélène Cixous. La dernière création, suivie d'un film, Les Naufragés du fol espoir, remonte à 2010.
Le spectacle, qui dure plus de trois heures, affiche déjà complet jusqu'au 31 mai.
"C'est une des pièces de Shakespeare parmi les plus restreintes, une pièce forte mais mince", avait confié Hélène Cixous à l'AFP pendant les répétitions. "On a une sorte d'image cliché de Macbeth qui est une histoire dans un château, Ariane lui a rendu sa magnitude, son énormité, sa dimension universelle et sa force criminelle".
Ce "Macbeth" devrait être suivi d'un Macbeth contemporain, écrit par Hélène Cixous, "une sorte de Macbeth aujourd'hui qui serait dans l'actionnement des machines politiques, mais avec des traits contemporains, la corruption, le moteur du politique, la dérive morale, la dérive économique."

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