Philippe Caubère rejoue "La Danse du diable" : "J'ai trouvé mon style en solo"
"La Danse du diable" est la matrice dont vont découler les onze spectacles du "Roman d'un acteur", saga monumentale de 33 heures, et les huit spectacles de "L'Homme qui danse", inspirés de sa propre vie.
A 64 ans, le comédien assure sans faiblir les trois heures de solo où il incarne à la fois son double de théâtre Ferdinand Faure, mais aussi sa mère, aussi insupportable qu'attachante, De Gaulle, Malraux, Johnny, et même un danseur avec ses entrechats.
Une légère blessure l'a d'ailleurs contraint à repousser la première la semaine dernière. Quelques jours de repos et le revoilà reparti dans un spectacle "très physique", convient-il.
"J'ai trouvé mon style en étant seul"
Lorsqu'il quitte en 1977 le Théâtre du Soleil après sept ans d'aventure dans la troupe d'Ariane Mnouchkine, Philippe Caubère n'imagine pas du tout qu'il s'imposera comme "acteur-auteur de comédies inénarrables et de sa propre vie".
Il se lance d'abord avec succès dans la mise en scène ("Dom Juan" au Théâtre du Soleil), mais ne parvient pas à financer le projet suivant, "Roméo et Juliette".
"Surtout, je n'ai pas su écrire une pièce qui me satisfaisait, j'écrivais des scènes, ça ressemblait à Pagnol, Molière, Dubillard, les auteurs que j'aimais mais ce n'était jamais vraiment mon style", raconte-t-il. "J'ai trouvé le style en étant seul : ça, je le dois à ma compagne du Théâtre du Soleil Clémence Massart qui m'a dit : improvise ! Et Jean-Pierre Tailhade qui était un des fondateurs du Soleil m'a dit : joue Ariane!"
"Ca fait peur de jouer un personnage de sa vie"
Philippe Caubère mettra des années à oser montrer sa première pièce sur Ariane Mnouchkine, "Ariane ou l'âge d'or" (1986). "Je n'ai pas eu le courage de la sortir tout de suite, ça me faisait trop peur", se souvient-il.
"Ca fait très peur de jouer un personnage de sa vie sur un plateau de théâtre. Ma mère était morte et je ne suis pas sûr qu'elle aurait apprécié la pièce que j'ai faite sur elle", juge-t-il.
La rupture avec Ariane Mnouchkine est "violente, sentimentale, passionnelle". Elle ne pardonnera pas le départ de Caubère, alors un des piliers du Soleil et l'acteur principal du film "Molière" (1978). Elle ne viendra jamais voir les spectacles où il parle d'elle.
"J'ai quitté le Soleil à la perfection du bonheur"
"Pourquoi est-ce qu'on quitte quelqu'un qu'on aime ?" interroge le comédien. "Quand je suis entré au Théâtre du Soleil, c'était au moment de '1789', c'était le grand spectacle de ces années-là. Il y avait une phrase en exergue qui disait 'La révolution doit s'arrêter à la perfection du bonheur'. Je suis parti à la perfection du bonheur, je n'ai pas voulu connaître l'autre versant".
"Et puis j'avais envie d'écrire, de vivre ma vie artistique", ajoute-t-il. Le succès de "La Danse du diable" à Paris, après Avignon, est porté par un formidable bouche-à-oreille. "20, 30, 40, 50 ... tous les soirs, l'administrateur du Théâtre des Quartiers d'Ivry Alain Crombecque glissait un petit papier sous la porte de la loge pour donner le nombre de spectateurs présents dans la salle."
33 ans plus tard, la salle de l'Athénée est comble
Trente-trois ans plus tard, la salle de l'Athénée est comble, même le 11 novembre. Et ça rit. Impossible de résister aux mimiques de Caubère imitant les tics de Malraux, les oreilles et le nez éléphantesques du Général de Gaulle ou le décollage d'un coucou.
Chronique d'une époque -les années 1950 à 1970- autant que d'une ville, Marseille, "La Danse du diable" fait rire autant qu'elle émeut.
Philippe Caubère a proposé au Festival d'Avignon de monter la pièce dans un cycle "Le Sud", avec d'autres textes d'auteurs qu'il chérit, le Marseillais André Suarès et André Benedetto, ex-directeur du Théâtre des Carmes à Avignon.
"André Suarès a écrit des textes sur la montée d'Hitler pour mettre en garde l'Europe, ça a des résonances aujourd'hui", dit-il, soudain grave.
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