"L'Avare" à la sauce "wesh wesh" ? Un jeune l'a fait
Loin du texte original, la pièce de cet étudiant en commerce de 21 ans, où les "Vous déchirez madame" remplacent les "tout cela est fort bien pensé", et où un ticket d'Euro Millions se substitue à la cassette d'Harpagon, fera probablement hurler les puristes de la "langue distinguée" du XVIIe siècle.
Un hommage à Molière, "un mec énorme"
"Super cagnotte", son adaptation moderne de "L'Avare", comédie en prose créée en 1668 au Théâtre du Palais-Royal, se veut pourtant une déclaration d'amour à son auteur, Jean-Baptiste Poquelin dit Molière.
"J'ai beaucoup de respect pour Molière. C'est un mec énorme, une légende, c'est une école de la vie", s'enthousiasme le jeune homme qui n'hésite pas à faire rimer "avare" avec "crevard".
Etudiant studieux, assistant d'éducation pendant ses années de fac, acteur et mannequin à ses heures perdues, Jean Eyoum écrit une première version de "Super cagnotte" en 2007, à la faveur de longues et ennuyeuses vacances de Noël, avant de l'abandonner faute d'éditeur. Poussé par ses proches, il ressort son texte des tiroirs l'année dernière pour le retravailler et trouve une petite maison d'édition pour le publier.
Faire comprendre la pièce à tous
Fils de fonctionnaires de l'Education nationale qui, confie-t-il, lui ont donné une "bonne éducation" et le goût de la lecture, il jongle avec les différents registres de langue pour faire comprendre Molière "à tous les jeunes, où qu'ils habitent", avec "des mots que j'entends tous les jours".
Certaines réécritures font franchement sourire, comme la réplique d'Elise dans l'acte 1, scène 1 ("Tous les hommes sont semblables, par les paroles; et ce n'est que les actions qui les découvrent différents") devenue un inédit: "Vous avez tous le même discours. Vous n'arrêtez pas de nous mettre des disquettes et, dès qu'on craque, vous disparaissez."
Pur produit de la banlieue parisienne, option sage
Né à Yaoundé au Cameroun, arrivé en France à l'âge de 7 ans, Jean Eyoum est un pur produit de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), une ville de banlieue parisienne où les grands ensembles côtoient les pavillons. "J'ai vécu en banlieue mais mes parents ont su limiter que je +sorte pour sortir+, se rappelle l'étudiant. A l'époque, mes copains étaient dehors et maman me l'interdisait. Je prenais ça pour une injustice. Aujourd'hui je pense que c'est plutôt une chance".
Allure sage, poli et sourire enjôleur, Jean Eyoum est d'ailleurs assez éloigné de l'archétype du "wesh", "ce jeune des cités qui adopte la tenue vestimentaire de type sportswear et le langage argotique dit des cités", comme le définit "Le Dictionnaire de la Zone", "la" référence de l'argot de la banlieue.
Cherche metteur en scène à l'esprit ouvert
Concentré sur l'obtention de son diplôme de fin d'études, Jean Eyoum exclut de faire passer "Les Précieuses ridicules" ou "Les Fourberies de Scapin" à la moulinette du parler jeune contemporain, mais le théâtre reste un horizon.
Son rêve serait que sa "Super cagnotte" soit jouée. Il a déjà quelques idées pour la distribution. Reste maintenant à trouver un metteur en scène. Humour et ouverture d'esprit bienvenus.
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