"Le Tartuffe nouveau", satire joyeuse et colorée signée Gelas au Théâtre du Chêne Noir
Tout le monde connaît l'histoire de Tartuffe, faux dévot et pique-assiette qui va s'immiscer dans la vie d'une famille, semant la discorde entre ses membres pour profiter de la naïveté (et de la richesse) du maître de maison.
L'esprit de Molière revisité
Auteur d'une vingtaine de pièces et d'une "Trilogie de Molière" (paru chez l'Harmattan), Jean-Pierre Pelaez a eu une idée toute simple : prendre les mêmes scènes et les mêmes personnages que ceux de Molière (modifiant leurs noms pour certains), en récrivant les dialogues, certes en alexandrins, mais avec de nombreuses références à notre langue moderne et surtout à des situations très actuelles.
Un ami des pauvres...et des médias
Ainsi, chez Pelaez, Orgon devient François Boyard, ancien ambassadeur revenu à Paris et qui se pique de faire le bien autour de lui. Il voue ainsi une admiration béate et aveugle à un dénommé Krüger, responsable humanitaire et habile communiquant qui s'est engagé auprès des pauvres de la terre entière... Mais aussi auprès de la femme d'Orgon, Irène (Elmire chez Molière) qui s'est laissée séduire par le charisme de Krüger. C'est du moins ce que tente d'expliquer à demi-mots Consuelo (Dorine), une Colombienne à la langue bien pendue. Quant à la mise en scène de Gérard Gelas, elle réserve quelques surprises...
Illustration quand François Boyard/Orgon (joué par Damien Rémy) propose à Marianne (Olivia Forest) de devenir la collaboratrice de Krüger pour une émision TV (baptisée le "Miserethon"... un nom qui fait beaucoup rire le public) ou pour un ministère au nom évocateur. Et le fameux Krüger, où est-il ? On a hâte de le voir entrer en scène et de découvrir comment Gérard Gelas l'a fait vivre. On n'est pas déçu ! Il détonne au milieu des costumes du XVIIe siècle. Car le voilà qui arrive, tout de blanc vêtu de la tête aux pieds, dans un costume de lin tout droit sorti de chez Armani, le cheveux gominé et la chaussure pointue. La parfaite panoplie du séducteur, baroudeur d'opérette, soi-disant au grand coeur. Insatiable séducteur, manipulateur, Krüger (incarné par Jean-Marc Catella, très convaincant de ce rôle de roublard flamboyant) est un personnage malgré tout savoureux et sa fourberie élégante le rend presque sympathique. Sa capacité à ne jamais perdre la face, quelles que soient les situations, est assez remarquable. Dans ce "Tartuffe nouveau", on rit d'autant plus franchement que tout fait référence à notre société actuelle et à certains personnages : à ceux qui utilisent la misère humaine pour servir leurs propres intérêts ou tout simplement leur image, aux médias qui se pressent autour de ces nouvelles icônes, mais aussi à tout ceux qui comme Boyard / Orgon cherchent à exister en les côtoyant, pour être eux aussi dans la lumière, fut-elle artificielle.
Bref, il ne faut pas se priver de ce "Tartuffe nouveau", joyeusement irrévencieux dans une forme qui se veut légère, colorée, virevoltante et qui sert un texte bien tourné. Il s'en dégage une gaieté qui aussi doit beaucoup à sa troupe d'acteurs, neuf au total, avec une mention particulière pour Théodora Carla qui incarne Consuelo, pleine d'énergie et de charme piquant.
"Le Tartuffe nouveau" de Jean-Pierre Pelaez, mis en scène par Gérard Gelas au Théâtre du Chêne Noir à Avignon jusqu'au 27 juillet à 15h30 (relâche le 15 juillet) - Réservations : 04 90 86 74 87
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