"Ruy Blas" : les coulisses du pouvoir selon Victor Hugo, ce soir sur France 3
Jouer Ruy Blas à Villeurbanne, une commune ouvrière où le TNP fait face à la mairie, c'est rappeler l'esprit du "tout pour tous" cher à Victor Hugo. C'est également mettre en scène la colère d'un peuple qui réclame plus de considération à travers l'histoire d'un laquais devenu ministre à la faveur d'une machination.
Sur la scène de la grande salle Roger Planchon, un décor, magnifique, signé de l'égyptien Rudy Sabounghi. Murs et sols sont entièrement recouverts d'azulejos, ces carreaux de faïence richement décorés qui ornaient les demeures portugaises et espagnoles. C'est d'ailleurs dans l'Espagne de la fin du XVIIè siècle que se déroule l'histoire.
Robin Renucci interprète Don Salluste de Bazan, un noble condamné à l'exil par la reine pour une affaire de moeurs. Pour se venger, il demande d'abord l'aide de son neveu, Don César (Jérôme Kircher), un noble qui s'acoquine parfois avec les petits bandits. Celui-ci refuse. Don Salluste se tourne alors vers Ruy Blas (Nicolas Gonzales), son valet, lui ordonnant de plaire à la Reine (Juliette Rizoud) en usurpant l'identité de Don César.
Le laquais tombe amoureux de la jeune Reine tout en grimpant les échelons du pouvoir. Grâce à sa clairvoyance, il devient un premier ministre intègre qui veut sauver le royaume et la Reine. Mais son maître lui rappellera sa condition d'homme du peuple. Un mépris que ne supportera pas Ruy Blas et qui le poussera vers la mort.
Dans une mise en scène qui sait selon les tableaux, mettre en valeur les talents de solistes des comédiens ou la force de la troupe du TNP, Christian Schiaretti offre un Ruy Blas à la fois tourmenté par un amour et par une ambition qui le dépasse.
Nicolas Gonzales offre au personnage ses traits de jeune homme aux airs sages mais qui bouillonne de passion contenue et de colère. Il s'impose dans la célèbre tirade où, devenu premier ministre, Ruy Blas prend à partie les conseillers du roi qui dilapident les richesses du royaume tout en s'enrichissant. Une scène qui surprend par sa force et par l'écho qu'elle trouve dans l'actualité de notre XXIè siècle. Ruy Blas incarne en effet le peuple qui demande des comptes à ceux qui le gouverne...
Quant à Robin Renucci, il campe à merveille un Don Salluste inquiétant, tout de noir vêtu, à la fois solaire et sombre, traître aux allures nobles, à la fois odieux et tristement humain.
Humain, Jérôme Kircher l'est aussi en Don Cesar fantasque, paresseux, voyou et libre. Il compose un personnage drôle, provoquant par ses mimiques et son phrasé particulier de vrais éclats de rire dans la salle. Dans cet univers policé de la cour d'Espagne où tous les coups bas sont permis, il offre un Don Cesar rafraîchissant. "Je vis avec les loups non avec les serpents" dit-il à Don Salluste qui veut l'entraîner dans sa machination.
En sortant des trois heures de représentation, on se dit que Christian Schiaretti a eu raison de monter ce Ruy Blas aimant, indigné, révolté, intègre. "Aimer, c'est agir" écrivit Victor Hugo dans son journal le 19 mai 1885. Ce furent ses derniers mots. Ils semblent avoir traversé le temps.
"Coups de Théâtre sur France Télévisions".
Ruy Blas : lundi 14 janvier à 23h10, sur France 3 ( Durée : 2h45).
Mise en scène de Christian Schiaretti. Avec Robin Renucci, Nicolas Gonzales, Jérôme Kircher;
Captation du spectacle créé en 2011 au TNP de Villeurbanne.
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