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Révélée par "Divines", Déborah Lukumuena bouleversante dans "Anguille sous roche" du Comorien Ali Zamir
Un peu plus de deux ans après sa sortie, le tout premier roman de l’écrivain comorien Ali Zamir, "Anguille sous roche", est adapté au théâtre. La mise en scène de Guillaume Barbot exalte le texte par une musique magnifique qui semble diriger le jeu de l’unique interprète, Déborah Lukumuena, César du meilleur second rôle dans "Divines" en 2017. A voir au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis.
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C’est l’histoire d’une femme de 17 ans. Elle se noie entre Anjouan et Mayotte et se souvient.
Entre Comores et France
Quelque 10 000 personnes ont péri entre ces deux îles, l’une faisant partie de la République des Comores, territoire indépendant depuis 1975, et l’autre étant un département français. Car bien des kwassa-kwassa, les embarcations traditionnelles des pêcheurs, ne résistent pas à la traversée nuitamment.Théâtre oblige, le metteur en scène Guillaume Barbot a choisi de faire coexister dans le même espace scénique un bras de mer et l’intérieur d’une case. Choix paradoxal mais réussi. Le plateau renforce le propos : pendant la noyade l’héroïne raconte sa vie quotidienne vécue ou observée depuis sa case en bord de mer.
Reportage : Christian Tortel, Denis Rousseau-Kaplan, Sébastien Patient. Montage : Gilles Dagneau. Mixage : Sylvie Lemaire.
Le défi d’adapter un roman d’une seule phrase de 318 pages
Le roman est fait d’une phrase unique de 318 pages… C’est le fil tendu comme le souffle – le dernier ? – d’Anguille en train de se noyer, récit dans lequel le lecteur doit, lui, trouver sa respiration. Ce long moment est étiré par la grâce littéraire de la langue de Zamir pour raconter en un ultime ressaut, sa vie jusqu’alors. Un récit testamentaire en quelque sorte, à l’âge où Rimbaud composait "Voyelles".Voici ce que nous en écrivions lors de sa sortie, en 2016 : "Anguille… est un roman ambitieux à la glose précieuse mais coulante comme une houle, travaillée à l’ombre des badamiers, mi-jactance intérieure mi-suavité des dictionnaires les plus fins. Un roman à l’unique phrase de 318 pages à la langue singulière, aérienne et captivante".
La musique agrandit l’espace
La scénographie réussie (signée Justine Bougerol ; lumière Kelig Le Bars ; création sonore : Nicolas Barillot) est soutenue par une création musicale qui dramatise la scène et soutient le texte. Les deux interprètes musicaux sont situés en haut des gradins, de chaque côté : Pierre-Marie Braye-Weppe (au violon électrique, côté jardin) et Yvan Talbot (bolon mandingue et longa burkinabé, côté cour). Leur présence agrandit l’espace scénique pour nous englober nous aussi, spectateurs.Performance de la comédienne Déborah Lulumuena
Quant à la comédienne, soulignons sa performance : interpréter une noyée de 17 ans qui raconte sa vie jusqu’au moment dramatique. Ses amours, son unique amour plutôt. Si important qu’il tient beaucoup, voire trop de place, dans la pièce. Mais Déborah Lulumuena lui donne un côté fleur bleue, comique, le public rit. Après, ça se corse, forcément une noyée en devenir…Dans le roman d’Ali Zamir, cet amour pour Vorace (sic) n’occupe pas tant de place. Ou, du moins, la plume de l’auteur fait de son héroïne, avant qu’elle prenne le large à bord d’un kwassa-kwassa, le sujet d’une vie éruptive dans le huis clos insulaire d’Anjouan.
Fermer l’histoire ou l’ouvrir ?
La fin (non, pas question de la spoiler et de vous gâcher le plaisir) relève d’un choix différent entre l’auteur (une fin indécise) et le metteur en scène (un parti pris), ce qui hélas ferme la pièce au lieu de la laisser ouverte comme une parole sans fin…À noter la double actualité d’Ali Zamir. Outre cette adaptation théâtrale de son premier roman, il publie en ce mois de janvier un troisième roman (le deuxième avait pour titre "Mon Étincelle") : "Dérangé que je suis" (éditions Le Tripode).
À noter aussi la double actualité de Déborah Lukumuena : outre son rôle d’Anguille au théâtre, elle joue dans le film "Invisibles", de Louis-Julien Petit, en salle depuis le 9 janvier 2019.
"Anguille sous roche", adaptation et mise en scène Guillaume Barbot. Interprète Déborah Lulumuena. Jusqu’au 27 janvier. Puis au Tarmac, du 30 janvier au 2 février (Version concert littéraire, sans scénographie)
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