"Tout va bien mademoiselle !" au Théâtre du Rond-Point : le spectacle heureux d'une lutte quotidienne contre la maladie
Hélène Ducharne est attachée de presse au Théâtre du Rond-Point à Paris depuis 2004. Dans le milieu, tout le monde la connaît. Et l'apprécie. Mais jusqu'à peu, personne ne connaissait son histoire. Marie Rémond met en scène sa vie tumultueuse dans "Tout va bien mademoiselle !", jusqu'au 19 decembre.
Tout commence par une tasse de café. Celle partagée par Hélène Ducharne, attachée de presse du Théâtre du Rond-Point à Paris, et son ami journaliste Julien Cernobori, en 2017. Ce dernier réfléchit à la création d’un podcast, Superhéros, où il veut faire témoigner des gens ordinaires qui ont des histoires extraordinaires. Il s’intéresse à la vie d’Hélène, "qui vit deux fois plus que les autres".
A l’âge de cinq ans, elle a attrapé un staphylocoque, qui - détecté douze ans plus tard - lui a coûté ses deux reins. Depuis, elle mène une bataille pour sa survie, qui a fait resurgir sans prévenir un lourd secret de famille. Hélène Ducharne accepte de se dévoiler dans le podcast. Son histoire vient de franchir une autre étape, portée sur les planches. Elle est interprétée par Marie Rémond au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 19 decembre 2021 dans la pièce Tout va bien mademoiselle !.
"Tombés de leur chaise"
"Je ne me présente pas en disant : bonjour je suis dialysée trois fois par semaine", sourit Hélène Ducharne qui a toujours été au service des autres. "Les gens que je croise dans la vie, je ne leur parle pas de ça." Si bien que lorsque ses connaissances - parfois vieilles de plus de vingt ans - découvrent le podcast de Julien Cernobori, elles sont nombreuses à "tomber de leur chaise". Parmi elles, l’actrice Marie Rémond, révélation théâtrale aux Molières 2015. Elle connaît l’attachée de presse depuis cette année-là : elle l'a rencontrée lors d'un passage au Rond-Point pour son spectacle sur le célèbre tennisman André Agassi.
À l’écoute du podcast, Marie Rémond est abasourdie par l’écart entre la nature de cette femme – "enjouée, dynamique, joyeuse … qui aime la vie !" - et l’histoire qu’elle raconte. Elle est aussi touchée par la manière dont Hélène retrace son parcours. "Elle a un vrai plaisir des mots, de l’intonation", détaille-t-elle. Durant des années, les amis de la communicante l’ont poussée à écrire sur sa vie incroyable, mais jamais elle n’a réussi. "Je n’ai pas le génie de l’écriture. Je ne savais pas comment raconter mon histoire. Quand l’idée du podcast s’est présentée, je me suis dit : c’est ça", confie-t-elle au micro de Julien Cernobori.
Adapter un podcast en pièce de théâtre
À sa sortie, le nombre d’écoutes s’envole, "400 000", s’exclame Hélène Ducharne. Un autre ami journaliste lui intime de demander à Marie Rémond d'adapter le podcast sur scène. "J’avais vu presque tous ses spectacles. Elle avait interprété André Agassi, Bob Dylan, et maintenant Hélène Ducharne ? Je n’osais pas demander", chuchote-t-elle. Au même moment, son ami journaliste vient tout juste de terminer l'écriture de textes de théâtre. Il ne sait pas comment les publier. Les deux amis se donnent un défi : "pour lui, diffuser ses écrits, pour moi, demander à Marie Rémond de jouer mon histoire." L’actrice accepte la proposition, immédiatement.
Rapidement, Marie Rémond se met à creuser la vie d’Hélène, notamment le lien qu’elle entretient avec sa mère. "Leur relation était très belle, mais aussi très ambivalente", analyse-t-elle. Elle ajoute des passages absents du podcast, et en enlève d’autres. "Dans un récit de théâtre, il y a un début, un milieu, une fin. Ici, les questions du journaliste font émerger des pensées chez Hélène, un peu dans le désordre."
Une très lourde machine de dialyse
Sur scène, Marie Rémond se présente seule, vêtue d’un pull jaune pelucheux, inspiré du vêtement porté par Hélène le jour de sa première greffe. Couleur soleil. A droite du plateau, les objets s’amoncellent. Des livres, des chaises pour enfants, une valise de poupées, une lampe à fleur et une machine à café. Le tout dans une ambiance années 70. "Cette scénographie, c’est mon cerveau. Cet appartement, ma mémoire", explique Hélène qui n’a découvert la mise en scène que deux jours avant la première, le 24 novembre 2021. Chaque bibelot évoque un souvenir, comme l’album photos d’Hélène, rempli de clichés "du magnifique bébé que j’étais" et de sa mère.
Au fur et à mesure qu'avance la pièce, le décor se déplie vers la gauche du plateau. L’actrice transbahute une grosse machine de dialyse : "une petite galère à déplacer, mais c’est aussi représentatif du poids de la maladie". Si ceux qui ont écouté le podcast peuvent avoir du mal à se détacher de la voix d’Hélène les premières minutes, l’actrice les embarque totalement dès qu’elle commence à déambuler entre les objets. Plus elle bouge, plus elle est intense.
"A partir du moment où j’ai commencé à répéter, j’ai arrêté d’écouter le podcast, il fallait que j’arrive à m‘approprier les choses." Contrairement à Hélène, sur scène Marie Rémond s’énerve, accompagnée par des changements d’éclairage. Lumière chaude lorsqu’elle parle de l’histoire familiale, glaciale quand elle s'attaque au passage qui se déroule à l’hôpital.
"L’instinct de survie tiendrait à une salle de bain"
Les descriptions du corps malade, entubé, douloureux, sont parfois crues. Les réactions du public varient entre rire exutoire et malaise. "Il y a des gens pour qui c’est trop, et s’ils savaient, on a coupé des parties !", ajoute Hélène Ducharne. De quoi renforcer encore l’admiration pour cette femme qui se bat contre la maladie, résiliente. "Ça passe par de l’anecdotique", explique-t-elle.
"Ce qui est beau dans son histoire, c’est qu’elle se raccroche à des éléments très concrets de sa vie", ajoute Marie Rémond. Difficile de ne pas penser à la fois où Hélène annonçait à son meilleur ami qu’elle voulait arrêter de lutter et mourir. "Il m’a répondu : ah bah non t’as pas vu la salle de bain - celle d'Hélène qu’il était en train de réparer - et ça m’a reboosté. Comme quoi l’instinct de survie tiendrait peut être à une salle de bain." À un café aussi. Un, trois, six… Le spectacle se termine, et dans l’air flotte encore quelques minutes une délicieuse odeur d’arabica.
"Tout va bien mademoiselle !" de Julien Cernobori et Hélène Ducharne, adapté et mis en scène par Christophe Garcia et Manon Rémond
Théâtre du Rond-Point
2 Bis Av. Franklin Delano Roosevelt, Paris VIIIe
01 44 95 98 21
Jusqu'au 19 decembre à 21h
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