"Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute" au 13e Art : Thibault de Montalembert et Ibrahim Maalouf dans une amitié fusionnelle

Inspirée des chroniques du journaliste algérien Kamel Daoud, la pièce de théâtre "Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute" est mise en scène par Denise Chalem, à Paris. Une pièce portée par un duo inspiré.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Thibault de Montalembert et Ibrahim Maalouf  dans la pièce "Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute" au 13e Art, à Paris. (FABIENNE RAPPENEAU)

Les évidences, d’abord. Ibrahim Maalouf est un musicien exceptionnel, il le confirme à chaque note arrachée à sa trompette. La pièce Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute s’ouvre avec l’un des morceaux les plus poignants du raï à l’ancienne, Nouar de Cheikha Remitti. Et l’on découvre que Thibault de Montalembert chante bien en arabe. Et même en kabyle plus tard dans la pièce en entonnant la berceuse Essendu d’Idir. L’acteur incarne avec talent et densité Zireg, l’alter ego du journaliste algérien Kamel Daoud sur scène. Il y avait foule au théâtre du 13e Art pour la première de Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute. C’est dans une salle comble que Thibault de Montalembert et Ibrahim Maalouf se donnent la réplique dans la pièce de Denise Chalem.

Les chroniques de Kamel Daoud

C’est l’histoire d’une amitié d’une dizaine d’années entre un musicien français en devenir (Ibrahim Maalouf) et un écrivain et chroniqueur algérien. C’est dans un décor dépouillé, avec une ingéniosité dans le déplacement des accessoires (piano-bar et fauteuil), que s’installe le dialogue Sud-Nord. L’auteure et metteuse en scène Denise Chalem s’est emparée des chroniques de Kamel Daoud pour écrire une pièce à tiroirs. Place de la femme, religion, islamisme politique, espace public, amitié, Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute aborde de nombreux thèmes.

"En lisant ses nombreuses chroniques politiques, j’ai tout de suite été éblouie par la luminosité de ses analyses ainsi que par l’oralité de sa langue. J’ai éprouvé le désir immédiat de la faire entendre, de la projeter au sein d’une fiction théâtrale. Pour cela, il m’a fallu, un moment, quitter l’écrivain pour partir à la recherche de l’homme, de son enfance, de sa vie et de sa géographie", explique Denise Chalem dans sa lettre d’intention. "Néanmoins, si je souhaitais garder le centre de mon inspiration, je devais aussi m’en éloigner, trouver ma liberté et ma fantaisie", précise-t-elle.

Révolte et liberté

De l’amitié, donc. Le musicien et l’écrivain ont beaucoup à partager, à se dire. Si leur entente saute aux yeux, abreuvée par le vin et nourrie par la gastronomie, les deux amis divergent sur certains sujets. Leur amitié est un pont entre les deux rives de la Méditerranée. Parmi les sujets importants : la place de la femme. Sommée de s’habiller de telle ou telle façon, de se comporter de telle ou telle manière, la femme hante les esprits rétrogrades. Son corps devient un combat politique. Et pour incarner cette rébellion sur scène, Sarah-Jane Sauvegrain est tout simplement impressionnante de présence physique. Elle est révolte et liberté. La comédienne donne une grande épaisseur à son personnage.

Thibault de Montalembert et Ibrahim Maalouf  dans la pièce "Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute" au 13e Art, à Paris. (FABIENNE RAPPENEAU)

Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute interroge l’altérité. Le duo Thibault de Montalembert-Ibrahim Maalouf fonctionne très bien. Au coléreux chroniqueur qui n’arrive pas à décrocher répond la fraîcheur du musicien qui refuse d’être blasé. Ibrahim Maalouf est émouvant d’empathie et de bienveillance. Pour sa première fois au théâtre, Ibrahim Maalouf le comédien, sans faire oublier le musicien, s'en est sorti plus qu'honorablement.

La Fiche

Titre : "Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute"
Une pièce de Denise Chalem, inspirée des "Chroniques de Kamel Daoud" publiées au Point
Distribution : Thibaud de Montalembert, Ibrahim Maalouf et Sarah Jane Sauvegrain
Lieu : Le 13e Art, centre commercial Italie Deux, 30 place d’Italie, 75013 Paris
Dates : jusqu’au 31 mars 2024

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