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"Un mois à la campagne" de Tourgueniev au Théâtre de l’Athénée : la nostalgie amoureuse, entre Marivaux et Tchekhov

Après une "Cerisaie" à la Comédie-Française, Clément Hervieu-Léger et la Compagnie des Petits Champs poursuit dans le théâtre russe, cette fois avec Ivan Tourgueniev et "Un mois à la campagne".
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2min
"Un mois à la campagne" d'Ivan Tourgueniev, mise en scène de Clément Hervieu-Léger (JULIETTE PARISOT / HANS LUCAS)

A la campagne, dans la datcha d’Arkady et Natalia les jours d’été s’écoulent entre indolence et ennui. Chacun y tient sa place, femme, enfant, mari, admirateur transi, mais l’arrivée d’Alexeï, le précepteur de Kolia, va perturber la routine de cette petite communauté.

Rakinine (Stéphane Facco) et Natalia (Clémence Boué) dans "Un mois à la campagne" (JULIETTE PARISOT / HANS LUCAS)

Natalia, la maîtresse de maison, se contentait jusqu’ici de persécuter avec désinvolture son soupirant Rakitine, la voici irrésistiblement attirée par le jeune homme inconscient de son charme. Une attraction qu’elle met du temps à s’avouer, tant elle est inacceptable dans cette bourgeoisie russe en plein XIXe siècle (la pièce a été écrite en 1850, 30 ans avant Tchekhov). 

Natalia (Clémennce Boué) et Alexeï (Louis Berthélémy) dans "Un mois à la campagne" (JULIETTE PARISOT / HANS LUCAS)

Marivaudage


Clément Hervieu Léger orchestre, dans un premier temps, ces atermoiements du cœur comme un délicieux marivaudage. Mais il donne aussi à entendre la critique acerbe d’une société russe pétrifiée, entre servage, condition des femmes, hiérarchie sociale que personne ne remet en question.

Natalia profitera d’ailleurs de son rang dans sa rivalité avec Vera l’orpheline qu’elle a adoptée et qui elle-même est amoureuse d’Alexeï. Et puis il y a le médecin prêt à jouer les entremetteurs pour un cheval, le voisin riche et frustre qui convoite Véra, la belle-mère qui perd peu à peu son emprise sur son fils. Celui-ci, époux de Véra, est tout occupé à ses affaires. On découvre peu à peu qu’il est complexé par l’entregent, l’aisance, et la culture de Natalia.

"Un mois à la campagne" au théâtre des Bouffes du Nord (JULIETTE PARISOT / HANS LUCAS)


La subtilité de Tourgueniev est à son apogée lorsque le précepteur, d’origine si modeste, se montre au comble du bonheur quand il se rend compte qu’il peut inspirer des sentiments passionnés à une femme tellement au-dessus de sa condition.

On voit poindre dans la deuxième partie de la pièce, délicatement traduite par Michel Vinaver, ce qui inspirera Tchekhov trente ans plus tard : la nostalgie, l’évolution des mœurs, les bouleversements sociaux qui pointent. La dernière image, d'une grande beauté, est totalement tchekhovienne et Clément Hervieu-Léger l’assume totalemen. Une belle soirée de théâtre. 

"Une mois à la campagne" d'Ivan Tourgueniev (JULIETTE PARISOT / HANS LUCAS)

"Un mois à la campagne" d'Ivan Tourgueniev
Mise en scène de Clément Hervieu-Léger
Du 10 janvier au 4 février 2023
Théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet
2-4 square de l'Opéra, Paris IXe
01 53 05 19 19  

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