William Mesguich en plein délire dans les "Mémoires d'un fou" de Flaubert
Même son père dit de lui qu'il est fou. William Mesguich incarne dans l'adaptation des "Mémoires d'un fou", un rôle qui semble taillé pour lui. Celui d'un Flaubert adolescent dans la lignée d'un Lautréamont ou d'un Rimbaud, qui se lance, dans la violence de ses 17 ans, dans l'écriture d'un texte brûlant. On retrouve déjà les grandes lignes de "L'Éducation sentimentale", un texte qu'il écrira trente ans plus tard.
Un récit passionné et fragmenté
En grande partie autobiographique, ce texte authentique, passionné, se révèle heurté, fragmenté. Raison sans doute pour laquelle la mise en scène de Sterren Guirriec l'est tout autant. Les accès de folie apparaissent surtout comme la résultante d'une passion idéalisée, illusoire. Celle qu'il voue à Maria, une femme mariée bien plus âgée.L'interprétation aux allures de plainte élégiaque du comédien est perpétuellement entrecoupée de sursauts d'angoisse. Des tourments qui viennent battre son crâne. Qui le hante. Des souvenirs qui reviennent. Des voix dont on entend l'écho. Et on se retrouve littéralement projeté à l'intérieur de son esprit tourmenté dont le décor ne semble être que le miroir.
Sorte de caverne tapissée de feuilles blanches, du sol jusqu'aux murs, peut-être les premières ébauches de son "Dictionnaire des idées reçues". Un petit bureau, où le comédien vient écrire à l'aide d'une plume qu'il trempe dans un encrier. De l'encre qui jaillit. Du sang aussi parfois. Quelques larmes. Beaucoup de sueur. William Mesguich nage dans les profondeurs de ses pensées. Seul un parapluie faisant office de barque lui vient parfois en secours, avec lequel il se déplace avec une infinie finesse. Des réminiscences d'un passé pas si lointain surviennent, accompagnée de sons stridents, déchirants. "Flaubert, vous n'êtes qu'un bon à rien".
Il exècre précocement ce monde dans lequel il vit. Un monde où on le fustige dès sa scolarité. "Les imbéciles ! eux, rirent de moi ! eux, si faibles, si communs, au cerveau si étroit ; moi, dont l’esprit se noyait sur les limites de la création, qui étais perdu dans tous les mondes de la poésie, qui me sentais plus grand qu’eux tous, qui recevais des jouissances infinies et qui avais des extases célestes devant toutes les révélations intimes de mon âme".
Une prestation exaltée
William Mesgich livre une prestation exaltée, volontairement confuse, comme le sont les pensées angoissées de l'écrivain. Il nous entraîne dans un jeu habile où il oppose sa "folie" à la bêtise du monde, en permettant une véritable réflexion sur les liens qui existent entre le langage et une réalité qu'il tente de représenter. Tout à la fois passionné et convaincu que tout ça ne sert à rien: "Écrire, c'est escamoter la vie", s'emporte-t-il. Comme possédé, ses mots paraissent dépasser sa pensée.Le teint diaphane, les yeux et la bouche ensanglantés, Mesguich prend des airs de "L'Homme qui rit", pour la première fois confronté à l'exercice solitaire. "Un vertige saisissant, une gageure à nulle autre pareille", confie le comédien, habité pendant cette heure d'un véritable feu jubilatoire. Un Mesguich à l'école buissonnière. Un Flaubert en somme, en plein délire. Mais un trait qu'on aurait peut-être préféré un peu moins forcé, un peu moins exalté.
"Mémoires d'un fou" au théâtre de Poche Montparnasse
Jusqu'au 8 novembre
À 19h, dimanche à 17h30.
75 Boulevard de Montparnasse, Paris VIe
Réservation : 01 45 44 50 21
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