« Voyageurs immobiles » de Philippe Genty poursuit sa tournée
"Voyageurs Immobiles", le spectacle de Philippe Genty mis en scène avec Mary Underwood nous emmène où l’ont conduit ses rêves : sur un radeau improbable d’où surgissent des momies envahissantes, dans un désert brûlant parmi des géants assoiffés, aux portes d’un paradis où l’appel des élus laisse des sans-papiers sur le carreau, dans des casiers flottants, allégorie concentrationnaire d’utérus occupés. Sept comédiens qui paraissent parfois bien plus nombreux partagent la scène avec quelques marionnettes, héritières magiques de la tradition des personnages animés de Philippe Genty.
Voyager dans les rêves d’un autre
L’auteur possède ce don, le même que David Lynch dans « Eraserhead », de convier le spectateur à partager les images de son subconscient, de lui faire partager l’irrationnelle tellement logique de ses rêves. Mais quand Lynch nous perdait dans un cauchemar hermétique dont nous ne disposions d’aucune clé, Genty à force d’humour, de tendresse, d’étonnements et de références partagées nous emporte dans un monde profondément humain. Naître, vivre, mourir et rêver, encore et toujours. Rire, pleurer, souffrir et désirer. Jouer, danser, tuer et mettre au monde.
Portes entrouvertes
Les tableaux s’enchaînent, les rêves se suivent. Nés dans la tête du même homme, ils se ressemblent mais sont cependant aussi différents que les paysages où il nous entraîne. Avec Mary Underwood, Philippe Genty laisse entrouvertes les portes de son subconscient. Comme dans les restaurants d’autrefois où l’on pouvait apporter « son manger », le spectateur peut apporter « son rêver » et le mêler à celui de Philippe Genty. C’est sans doute pourquoi il est si difficile de sortir de ce spectacle, de quitter le théâtre et de replonger dans la cité.
Cousinage poétique
Les décors mouvants, une musique prenante sans être envahissante, quatre femmes et trois hommes, des turbans, des sarouels, des chapeaux melon ou turcs, un vent d’automne, des linceuls de papier kraft, des aurores et des crépuscules, le monde de Philippe Genty partage ses confins avec la poésie de Roland Topor et de Folon. Pour le spectateur de 2011 qui avait découvert Philippe Genty et ses marottes dans les années 60, l’émotion est là, cadeau inattendu qui offre de reprendre adulte, un rêve que nous avions abandonné dans un coin de notre enfance.
Reportage lors des représentations au théâtre du Rond-Point, à Paris
Représentation à Dieppe en février 2012
Voyageurs immobiles, de Philippe Genty
Mise en scène Philippe Genty et Mary Underwood
Musique de Henry Torgue et Serge Houppin
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