Affaire Dieterich : comment deux émissions de télé ont permis de résoudre un meurtre vieux de plus de 20 ans
L'assassin présumé de Stéphane Dieterich a été placé en garde à vue mardi 15 décembre. Il est passé aux aveux dès le lendemain.
Ce soir du 4 juillet 1994, il pleut à Belfort. Stéphane Dieterich, brillant étudiant en histoire de 24 ans, reçoit un appel de son ami Christophe Blind, avec qui il doit partir en vacances le lendemain. Il avait prévu de passer la soirée devant un match de football mais répond à la demande de son ami et quitte le domicile familial. Sa famille ne le reverra jamais. Son corps est retrouvé le lendemain dans la forêt qui sépare les communes d'Essert et de Cravanche, dans le Territoire de Belfort, lardé de 11 coups de couteau.
Placé en garde à vue, Christophe Blind prétend alors avoir déposé son ami à une fête foraine toute proche. C’est la dernière personne à avoir vu Stéphane vivant. Son témoignage ne paraît pas suspect aux enquêteurs et le jeune homme est innocenté. Pourtant, de nombreuses zones d’ombre persistent : Stéphane ne serait jamais allé seul à la fête foraine... Il avait également affirmé à sa mère sortir pour "un quart d’heure" et tandis qu’il pleuvait, il est sorti légèrement vêtu.
Vingt-et-un ans plus tard, Christophe Blind est à nouveau placé en garde à vue. Jeudi 16 décembre, il a avoué le meurtre de son ami, comme le révèle France 3 Franche-Comté. Notamment grâce à deux émissions de télévision, qui ont permis de faire avancer l'enquête sur ce meurtre.
Une information judiciaire rouverte en 2013
Dans les deux années qui suivent le drame, les investigations piétinent. Les enquêteurs soupçonnent Christophe Blind, le meilleur ami de la victime, puis des forains et "finalement l’enquête conclut à une mauvaise rencontre", rapporte L'Est républicain. En 1995, un épisode de l'émission "Témoin numéro 1" sur TF1 est consacré à l'affaire mais n'apporte aucun élément nouveau. Malgré les efforts de Sylvain Dieterich, le frère aîné de la victime, qui se rend à l’Elysée et au ministère de la Justice, le dossier est sur le point d’être refermé par la justice.
En janvier 2013, un numéro de l'émission "Non élucidé", diffusée sur France 2, passe en revue les différentes pistes explorées jusque-là dans l’affaire. Après la diffusion, deux personnes se manifestent auprès des enquêteurs. Ils ont reconnu Christophe Blind, le meilleur ami de la victime, sur l’une des photos diffusées dans l'émission. "Ces deux personnes étaient élèves dans le lycée où l’accusé était pion. L’un des deux s’est souvenu d’une demande spécifique de Blind à ce moment-là pour 'tuer quelqu’un'", se souvient le frère de Stéphane.
Des accusations prises très au sérieux par les enquêteurs : le parquet de Montbéliard rouvre alors une information judiciaire. Les enquêteurs exploitent à nouveau tous les éléments de l'enquête, notamment les traces ADN. Ce travail "a permis de resserrer les éléments à l'encontre" du suspect, indique aujourd'hui le parquet à l'AFP.
Un témoignage inédit dans "Crimes en direct"
Le deuxième acte se joue le 8 juin 2015 avec la diffusion de l'émission "Crimes en direct" présentée par Jean-Marc Morandini sur NRJ12. La rédactrice en chef de l’émission, Lucile Martin, enquête pendant plusieurs semaines et parvient à retrouver Christophe Blind dans le sud de la France, où il a refait sa vie. Il commence par refuser l’interview mais la journaliste continue de poser ses questions en caméra cachée.
"On cherchait à le voir pour qu’il nous raconte sa version des faits en tant que dernière personne à avoir vu Stéphane. On pensait qu’il avait des choses à dire qu’il nous cachait", explique-t-elle à francetv info. Très mal à l’aise, "il a commencé à trembler dès que j’ai dit que j’étais journaliste". Le meurtrier présumé se perd un peu dans le fil de son histoire et affirme que c’est la victime elle-même qui l’aurait appelé. "Là, on se rend compte qu’il contredit la version qu'il a donnée aux enquêteurs à qui il avait expliqué que c'est lui qu'il avait appelé, raconte Lucile Martin. Et puis quand je lui ai dit qu’une famille souffrait depuis 20 ans, il m’a répondu que lui aussi souffrait."
Les enquêteurs sont alertés par le témoignage parfois incohérent de cet homme de 46 ans qui ne s’était pas exprimé sur cette affaire depuis plus de 20 ans. En novembre, ils demandent la totalité de l’entretien à la journaliste. "Cette interview et la diffusion des images ont dû avoir un impact psychologique sur ce garçon", suppose la journaliste. Forts de ces nouveaux éléments en plus de leur enquête initiale, les enquêteurs placent Christophe Blind en garde à vue mardi 15 décembre. Le lendemain, il passe aux aveux.
Des aveux en garde à vue
"Depuis le début, je sentais que son discours n'était pas clair, confie Sylvain Dieterich, le frère de la victime, à francetv info. Quand je lui ai demandé, il a été incapable de refaire le parcours qu’il avait fait avec Stéphane. Après l’enterrement, il a cessé tout contact avec notre famille puis il a changé de région. Mais on ne pouvait pas imaginer que cette personne avait commis l’irréparable. Il faisait partie du cercle d’amis de Stéphane." "Aujourd’hui, il est dans l’état d’esprit d’un homme qui avait un fardeau trop lourd à porter, explique Nelly Rouzet, son avocate. Il paraît soulagé de s’en être déchargé."
Christophe Blind a été mis en examen pour "assassinat" et placé en détention provisoire. De nouvelles auditions devraient avoir lieu et l'instruction suivre son cours. Sylvain Dieterich et sa mère attendent désormais le procès de l'accusé pour comprendre comment et pourquoi Stéphane est mort sous les coups de couteau de son ami. Selon le parquet, cité par France 3 Franche-Comté, il pourrait s'agir d'un "motif passionnel".
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