Jusqu'où les "fanzouzes" supporteront-ils Cyril Hanouna ?
Depuis la rentrée de l'émission "Touche pas à mon poste !", les polémiques se multiplient. De quoi refroidir les téléspectateurs ? Franceinfo a interrogé des "fanzouzes" qui doutent.
Y a-t-il des frondeurs parmi les "fanzouzes" ? Certains spectateurs fidèles de "Touche pas à mon poste !" préfèrent aujourd'hui zapper sur une autre chaîne en première partie de soirée. Pour Johan, un Lyonnais de 26 ans, la polémique de trop, ça a été l'épisode de la caméra cachée subie par Matthieu Delormeau."Pas drôle, glauque et dangereux", affirme-t-il. Le canular est cruel : Matthieu Delormeau pense qu'on va l'accuser d'homicide à la place du "grand patron" Cyril Hanouna. Surtout, et c'est ce qui choque les téléspectateurs, le pot aux roses n'aurait été révélé que le lendemain.
Lorsque le canular est évoqué le lendemain dans l'émission, Matthieu Delormeau, souffre-douleur préféré de Cyril Hanouna, fond en larmes. Il raconte avoir posé sa démission et pensé à porter plainte. Bref, à ce moment-là, on ne sait plus si l'on regarde un talk-show sur les médias, une émission de téléréalité ultraréaliste ou un jeu de torture psychologique."Voyez comment Delormeau était. Il a dit qu'il avait eu des idées noires par la suite. Vous imaginez s'il s'était suicidé ?", réagit Johan.
En général, les "fanzouzes" soutiennent "Baba" (le surnom de Cyril Hanouna) dans ses délires, mais pas cette fois. Le sondage lancé sur le compte Twitter de "TPMP" le lendemain est majoritairement en sa défaveur : 64% des téléspectateurs pensent "qu'ils sont allés trop loin avec Matthieu Delormeau". Du coup, le sondage ne sera même pas diffusé en plateau.
Pensez-vous que nous sommes allés trop loin avec @Mdelormeau ? #TPMP
— TPMP (@TPMP) 4 novembre 2016
"Je zappe dès que Cyril devient désagréable"
La séquence de cette émission spéciale caméras cachées, baptisée "La Grande Rassrah" –"rassrah" veut dire "angoisse" en langage "TPMP"– a fait l'objet de 152 signalements au CSA. "Je trouve qu'il va de plus en plus loin dans le manque de respect, uniquement pour faire de l'audience. Je trouve ça réellement dommage d'utiliser ses amis et collègues pour faire du buzz. Cela devient vraiment ridicule", confie Noémie, étudiante en communication de 22 ans qui vit en Martinique. Elle avait déjà arrêté de suivre régulièrement "TPMP" avant l'épisode Delormeau. Elle ne regarde plus que "quand elle tombe dessus" : "Je zappe dès que Cyril devient désagréable", explique-t-elle à franceinfo.
Pour Noémie comme pour Johan, "fanzouze" de la première heure – depuis les débuts de l'émission sur France 4 en 2010 – cet épisode est "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase". Johan s'est éloigné de "TPMP" depuis l'arrivée de Delormeau, "que Cyril prend un malin plaisir à humilier", le traitant de "pleureuse" ou le forçant à faire son coming-out en direct. L'ex-fan de l'émission critique aussi plus généralement le "melon" de Cyril Hanouna, qui "insulte tout le monde dès qu'on ose dire du mal de son émission".
Je me sentais complice de cette ambiance glauque en regardant TPMP
Noémie explique simplement que regarder l'émission "n'est plus un moment de plaisir" : "Je me dis : 'Qui est-ce qui va en prendre plein la tête cette fois ?'" Parmi les cinq amis "fanzouzes" de Johan, un seul a continué à regarder l'émission, assure-t-il. Aujourd'hui, ils ne débriefent plus ensemble les gags d'Hanouna et de ses chroniqueurs. Johan lâche : "A la même heure, je préfère 'Quotidien' !" Trahison ultime, car l'émission de Yann Barthès sur TMC est le principal rival du talk-show de Cyril Hanouna. Une concurrence acharnée qui explique, en partie, cette surenchère.
Dylan, 19 ans, apprenti animateur "pourtant ouvert d'esprit", assure-t-il, a lui aussi été "sidéré par la séquence du faux meurtre, qu'on puisse montrer ça à la télévision". "Je pense que Cyril et ses compères se perdent dans ce qu'ils font et n'ont plus conscience de leurs limites", commente-t-il. Il prophétise d'ailleurs que "cette saison sera la dernière".
Agression "répugnante"
Dylan, Johan et Noémie reprochent aussi à "TPMP" l'agression sexuelle en direct de Soraya Riffy, le 14 octobre. Johan a jugé la séquence "répugnante"."Et l'émission qui a suivi l'était encore plus." Pendant les vingt minutes de retour sur la polémique, "TPMP" s'est employé à minimiser l'agression. Cyril Hanouna a par exemple diffusé les résultats d'un sondage lancé sur Twitter, en forme de plébiscite : 75% des spectateurs déclarent n'être "pas choqués" par le baiser volé de Jean-Michel Maire sur le sein de l'invitée. Ce résultat est fièrement commenté par "Baba" et ses chroniqueurs.
Noémie n'est pas de cet avis : "Nous savons qu'il y a de plus en plus de jeunes qui regardent la télé. C'est leur montrer quoi ? Que même si la fille ne veut pas, on peut quand même le faire par surprise et, qu'en plus, on n'a pas de problème par la suite ?"
La plupart des "fanzouzes" aujourd'hui refroidis font la différence entre les "happenings gentils", même les plus extrêmes, auxquels "TPMP" les avait habitués, et ce qui se passe dans les dernières émissions. Emballés au départ par ce "show à l'américaine" qui cassait les codes de la télévision française, ils ne critiquent pas le principe des pâtes dans le slip, de la nudité ou même la démesure générale de l'émission. Mais ils trouvent que ça tourne mal : beaucoup disent que "l'ambiance a changé".
"TPMP", toujours premier sur l'audience
Certains "fanzouzes" se lassent donc de la surenchère. Mais il y a ceux, bien plus nombreux, qui sont devant C8 tous les soirs. Certains ont même commencé à regarder grâce aux polémiques, dont l'objectif est aussi d'alimenter l'audience. Avec un succès non démenti d'environ un million et demi de téléspectateurs par émission. Pour Cyril Hanouna, les bonnes audiences de "TPMP" sont le signe que ses "fanzouzes" le soutiennent aujourd'hui plus que jamais. Et qu'il a raison contre tous les autres, les médias en premier lieu.
"Quand #TPMP fera 200k, on pourra faire ce qu'on veut, plus personne ne nous fera chier." @Cyrilhanouna #TPMP pic.twitter.com/t47QPZkgfD
— TPMP (@TPMP) 4 novembre 2016
Quitte à y mettre une dose de mauvaise foi. Après "La Grande Rassrah", Cyril Hanouna affirme que "les gens ont adoré l'émission". Et préfère attaquer les "jaloux" de journalistes, qui "aimeraient beaucoup être avec nous en train de se marrer". S'en prendre aux médias qui le critiquent est une des habitudes de l'animateur, qui avait jugé les journalistes "teubés" (bêtes) après une des premières polémiques sur Matthieu Delormeau fin septembre.
Lui C est le directeur de la rédaction des inrocks! C pas gentil d insulter! pic.twitter.com/Uu4GSmN8ej
— Cyril Hanouna (@Cyrilhanouna) 5 novembre 2016
Citadelle assiégée
Une stratégie anti-médias qui s'avère payante : si des "fanzouzes" sont parfois choqués de la tournure que prend le talk-show, beaucoup soutiennent Cyril Hanouna face à l'indignation bruyante de la plupart des journalistes.
Sur le groupe Facebook "Les véritables fanzouzes", un membre raconte par exemple avoir supprimé son post sur Matthieu Delormeau "pour ne pas me mettre au niveau de ces pseudo journalistes qui passent leur temps à casser 'TPMP'". Dans ce groupe très actif, qui compte plus de 16 000 membres, règne une ambiance de citadelle assiégée. A chaque polémique, les "fanzouzes" serrent les rangs derrière leur "Baba".
Elise, 18 ans, interrogée par franceinfo, pense qu'il y a bien pire que "TPMP" "à donner comme exemple aux jeunes", citant les émissions de NRJ12. Elle estime que les journalistes ne regardent l'émission que "pour chercher la seule erreur sur presque deux heures de show". Elle-même étudiante en journalisme, elle reste d'accord avec le fond des articles – Jean-Michel Maire a eu un comportement sexiste avec Soraya Riffy, et la caméra cachée était "osée" –, mais est persuadée que "si c'était dans une autre émission, on n'aurait rien dit".
"On sait que c'est bête, cette émission"
Afi, 19 ans, étudiante en communication, ne comprend pas "pourquoi on en fait tout un plat" : "En fait, quand on regarde l'émission en entier et qu'il y a un dérapage, on se dit qu'ils abusent un peu sur le moment, mais pas que c'est grave à ce point. Les journalistes aussi en font trop", explique-t-elle à franceinfo. Afi explique qu'elle peut effectivement être choquée pendant quelques secondes par l'émission, mais elle passe à autre chose et continue à regarder.
Ces jeunes femmes font partie des téléspectateurs qui n'abandonneront pas le navire "TPMP" à la moindre tempête médiatique. Elles se sont attachées à l'émission quand elles étaient adolescentes. Elise a ainsi découvert Cyril Hanouna quand elle avait 13 ans. Elle explique que "quand on est adolescent, on a beaucoup de problèmes, familiaux ou autres, et ça fait du bien de rire de temps en temps." Pour Elise, "TPMP" était aussi une bouffée d'air frais à la télévision française : "Ce qui était très intéressant, c'est que ce n'était pas politiquement correct. Cyril Hanouna s'en fichait, il était peu regardé. Il faisait une émission d'abord pour son public. Avec des trucs qu'on n'avait jamais vus à la télé, quand il montait dans les bureaux des patrons par exemple."
Afi conclut en riant : "On sait que c'est bête, cette émission, on se dit qu'ils sont payés à ne rien faire, mais c'est pour se détendre le soir. Il n'y a pas d'autres émissions comme celle-là, à l'américaine, où les animateurs se lâchent complètement. Alors, tant que ça me divertit, je vais continuer à regarder." Jusqu'à ce que l'ambiance soit moins à la "darka" – la "fête", chez Hanouna – qu'à la "rassrah" ?
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