"L'homophobie n'est pas drôle" : des dizaines de réactions après le canular controversé de Cyril Hanouna dans "TPMP"
Journalistes, réalisateur, associatifs... Ils témoignent et contre-attaquent face à l'animateur de C8. En cause : un canular téléphonique tourné en direct dans son émission "Touche pas à mon poste", dans lequel il a piégé des homosexuels, jeudi 18 mai.
"Salut Cyril, On ne se connaît pas... Enfin, moi, je te connais." Après que Cyril Hanouna a piégé, jeudi 18 mai, des homosexuels dans son émission "Touche pas à mon poste" sur C8, plus de 6 500 personnes avaient saisi le CSA vendredi soir. Et la polémique a fait réagir internautes, journalistes, artistes et associations.
L'animateur, lui, se défend de toute homophobie. Interrogé par L'Express, il affirme qu'il "n'y aura jamais aucune séquence homophobe dans [ses] émissions !" "Bien au contraire, ajoute-t-il. Je suis le plus fervent défenseur du Refuge, dont j'ai défendu la cause depuis le début de la semaine, et encore dans l'émission, pour la semaine contre l'homophobie à l'école." Ce qui n'a pas empêché cette association, qui offre un hébergement à des jeunes homosexuels mis à la porte par leurs proches, d'annoncer son intention de porter plainte.
Après cette polémique, ils sont plusieurs à avoir pris leur plume, parfois avec émotion, souvent avec colère, pour répondre à Cyril Hanouna. Florilège.
"J’en ai pleuré Cyril..."
Ainsi, Ismaël Saidi, réalisateur et scénariste, connu pour sa pièce Djihad, explique sur Facebook que son fils regarde l'émission de Cyril Hanouna et qu'il lui arrive aussi d'y "jeter un œil distrait". "Ce soir, je t’ai entendu rire et glousser face à un jeune homme que tu avais piégé, te faisant passer pour un 'amant potentiel" et humiliant par tes rires et mimiques grotesques ce jeune homme devant des millions de téléspectateurs. J’en ai pleuré Cyril...", écrit Ismaël Saidi.
Le réalisateur évoque alors le souvenir d'Amine, un ami d'enfance. "Amine était un enfant 'fragile', comme disaient ses parents par pudeur et par peur de le voir se faire violenter dans le quartier. Amine aimait les garçons, nous le savions", poursuit Ismaël Saidi qui raconte comment ce jeune garçon est devenu la cible du "caïd du quartier" : "D'humiliations en insultes, de crachats en coup de poing, Amine devint la victime du quartier."
Amine a fini par mettre fin à ses jours, "ne pouvant plus supporter d’être le souffre-douleur de tout un quartier." "Je pensais que c’était révolu, qu’on ne pouvait plus faire autant de mal à quelqu’un à cause de sa différence", écrit Ismaël Saidi, qui interpelle Cyril Hanouna. "Je suis resté figé sur ton regard imbu de tant de pouvoir cathodique, mon esprit s’était envolé dans le passé, mais mes yeux n’arrivaient pas à te quitter."
Et les mots se font acerbes : "Dommage, Cyril... Dommage... Tu aurais pu être celui qui aurait sauvé Amine, 25 ans plus tard... Mais tu es juste en train de le tuer une deuxième fois..."
"Pourquoi tu ne nous laisses pas tranquilles ?"
Autre témoignage personnel, celui de Mathieu Magnaudeix, journaliste à Mediapart. Il raconte sur Facebook l'homophobie vécue lors de l'adolescence. "'CyrilHanouna' c'est le mec que t'as détesté à l'école ou au collège. Tu l'as haï, le petit con qui t'humiliait à la récré, le décérébré qui riait de toi avec ses potes en te montrant du doigt, le mec au rictus qui t'appelait la "tapette" dès que tu apparaissais dans son champ de vision, le gars qui transformait tes récrés en cauchemar", explique le journaliste.
Pourquoi t'as besoin de faire ça ? Pourquoi t'as besoin d'humilier ton chroniqueur gay ? Pourquoi tu parles tout le temps d'homosexualité, comme si ça t'obsédait, 42 fois en un mois, ça veut dire des centaines et des centaines de fois par an, pourquoi c'est si grave, c'est quoi ton problème ? Pourquoi tu ne nous laisses pas tranquilles ?
Mathieu Magnaudeixsur Facebook
Et Mathieu Magnaudeix continue d'interpeller l'animateur de télévision : "Pourquoi, là, maintenant, tu pièges des homos au téléphone pour te rire d'eux devant tout le monde en tortillant du cul, en prenant une voix pincée et traînante, en bougeant le poignet ?" Le journaliste dénonce la "violence symbolique" produite par Cyril Hanouna. "Tu te rends pas compte que tes méthodes, c'est les mêmes que celles de ces mecs au lycée qui écrivent ton nom sur les murs avec 'sale pédé' à côté. Les mêmes que les casseurs de pédés qui les traquent sur Internet avant de leur péter la gueule à coups de batte, à Paris ou à Grozny [en Tchétchénie]", poursuit-il. Cinglant, Mathieu Magnaudeix conclut : "'CyrilHanouna', je te renvoie ta merde dans la gueule pour pas qu'elle me salisse, même pour pas qu'elle m'effleure. Lave-toi maintenant."
"'Se faire piéger' peut signifier être 'outé'"
Dans une tribune intitulée "Monsieur Hanouna, l'homophobie n'est pas drôle, l'homophobie tue", publiée par L'Express.fr, l'Inter-LGBT (inter-associative lesbienne, gay, bi et trans) interpelle également l'animateur.
Cyril Hanouna "s'illustre en piégeant des homosexuels par le biais d'une fausse annonce sur un service de rencontre dans un seul but : se moquer d'eux et les humilier publiquement pour faire rire son public", dénonce l'Inter-LGBT. "Les ravages de tels comportements ne sont pas une blague, ils sont bien réels ! "
Et l'Inter-LGBT pointe la méthode de l'animateur : "Non, M. Hanouna, se faire "piéger" n'est pas drôle. Ce n'est pas drôle parce que beaucoup de personnes LGBT savent ce que 'se faire piéger' signifie. 'Se faire piéger' peut signifier d'être outé-e à l'école, dans sa famille ou au travail avec des conséquences parfois désastreuses : le rejet par sa famille, l'exclusion sociale à l'école, la perte de son emploi, les violences verbales et physiques." Dans cette tribune, l'Inter-LGBT réclame des sanctions à l'encontre de l'animateur de C8.
"Cyril Hanouna est un danger public"
"Rire d'un homme parce qu'il est homosexuel, le rabaisser, l'humilier, le jeter en pâture aux rires du public, et être tout content de soi, c'est l'exacte définition de la persécution", attaque la journaliste Nadia Daam, sur Slate.fr, dans un texte au titre sans équivoque : "Cyril Hanouna est un danger public".
Chroniqueuse sur Arte, Nadia Daam raconte l'envers du décor de "TPMP" : "Je travaille à la télévision, et côtoie quotidiennement des intermittents du spectacle (cadreurs, coiffeurs...) qui parlent du plateau de 'Touche pas à mon poste' comme des gorges de l'enfer. Ils rapportent l'hystérie qui règne dans les coulisses, les insultes, l'ambiance de merde, le melon que se trimballent tous les chroniqueurs. Les plus chanceux peuvent se permettre le luxe de refuser d'aller y bosser, les autres y vont à reculons, et avec la désagréable impression d'être complice d'un programme dégueulasse."
Pour la journaliste, Cyril Hanouna est "dopé par les polémiques et peut alors entonner le refrain du pauvre animateur populaire persécuté par les élites intellectuelles chichiteuses. Cette foire de la haine a assez duré. Il est grand temps qu'Hanouna dégage."
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