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"Georges Pernoud fait partie de la famille" : comment "Thalassa" a marqué plusieurs générations de téléspectateurs

Diffusée depuis 1975, l'émission marine de France 3 tourne une page de son histoire, avec le départ de son célèbre animateur, Georges Pernoud. Il présente sa dernière, ce qui inquiète et attriste les fans.

Article rédigé par franceinfo - Geoffrey Lopes et Louise Bugier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Georges Pernoud, à La Seyne-sur-Mer (Var), le 26 avril 2012. (DOMINIQUE LERICHE / MAXPPP)

"J'ai aimé votre façon d'aimer toute cette eau." Sur la page Facebook de "Thalassa", Matthieu Bouselsal rend un hommage appuyé et poétique à Georges Pernoud. L'emblématique présentateur de l'émission range les voiles, vendredi 30 juin, pour se consacrer, à 69 ans, à d'autres projets. "Cette pudeur, votre inlassable bonhomie qui donnait envie de vous rejoindre sur le pont, votre personnalité animée mais sans vague inutile ; oui, votre manière d'avoir été pour nous année après année ce capitaine au long cours. L'écume des jours vous appelle", poursuit ce fan.

Son témoignage s'ajoute à des centaines d'autres qui déferlent sur la page, plein de compliments, de reconnaissance et de nostalgie. "Un repère s'en va. L'émission présentée par Georges Pernoud était un rituel qui semblait éternel dans un monde qui change si vite", se lamente un autre internaute. Depuis le Brésil, le Québec ou des quatre coins de la France, une communauté très diverse remercie "Thalassa" de lui avoir fait découvrir et aimer la mer.

Dans ses meilleures années, l'émission, diffusée pour la première fois le 27 septembre 1975, rassemblait sur France 3 près de 4 millions de téléspectateurs. Des passionnés de tout âge qui racontent à franceinfo comment le programme est devenu un rendez-vous hebdomadaire incontournable et comment il a pu (parfois) changer leur vie. Après le départ de Georges Pernoud et le passage d'une diffusion hebdomadaire à mensuelle, ces fidèles redoutent que l'émission ne disparaisse.

"C'était une permission pour se coucher tard"

Tous ces passionnés partagent en commun d'avoir été poussés à regarder "Thalassa" très jeunes. Leurs parents organisaient une sorte de rituel le vendredi soir et les enfants se postaient, de gré ou de force, devant le petit écran. Avec comme coup d'envoi de la soirée-télé le générique si caractéristique du programme. "Je regardais l'émission avec mon père et mes trois frères et sœurs. C'était d'abord, pour nous, une forme de permission de se coucher plus tard", s'amuse Matthieu Bouselsal, interrogé par franceinfo.

A 38 ans, ce responsable commercial apprécie le ton intimiste de l'émission. "Les premières émissions dont je me souviens remontent au milieu des années 1980. 'Thalassa' sortait du lot, par rapport à d'autres programmes sur la nature ou les animaux grâce à Georges Pernoud : le présentateur a donné un ton intime et personnel aux reportages. Les journalistes ont carte blanche pour raconter des histoires, avec leur point de vue, mais sans prendre la place des sujets traités. L'émission lie les hommes aux milieux marins. Aujourd'hui, j'entretiens une relation profonde et presque sentimentale avec 'Thalassa'."

Et la passion pour ce rendez-vous hebdomadaire se transmet entre générations. Monique Poulet, 50 ans, regarde "Thalassa" depuis plus de 30 ans. A franceinfo, elle explique avoir transmis le virus à toute sa famille : "Nous regardons toujours l'émission avec mon mari et mes enfants. Ma fille, qui a maintenant 15 ans, rêve d'aventures. Elle veut voyager dans le monde entier et en a plein la tête. Lorsqu'elle regarde 'Thalassa', elle me dit vouloir aller là, faire ça, avoir une aventure comme ça. Je sais que ce n'est pas anodin."

L'air iodé jusque dans le Jura

Mais pas toujours facile d'assumer son choix ! Les copains de Marc Hunsinger, intérimaire de 47 ans, se sont toujours moqués de lui. Alors qu'ils allaient fêter le début du week-end autour d'un verre, lui préférait se caler dans son canapé, devant France 3. "Mes copains se foutaient de moi. Ils me disaient : 'tu regardes la même émission que ta mère !' Ils ne me comprenaient pas", confie-t-il à franceinfo. Lui qui a toujours habité dans les montagnes de l'Est de France et vit aujourd'hui à Besançon (Doubs) reconnaît que ces deux heures d'exposition hebdomadaire lui ont donné le goût de l'air iodé. 

Le présentateur Georges Pernoud, devant la péniche "Thalassa", à Paris, en juin 2004.  (PIERRE VERDY / AFP)

"Nous n'allions jamais au bord de la mer. Mais 'Thalassa' nous a donné envie de découvrir notamment la Bretagne. Devant ma télé, j'ai appris le fonctionnement du milieu marin et des chalutiers, notamment. Nous partageons désormais nos vacances entre mer et montagne et nous avons visité tout le sud de la région. Prochainement, on tentera Saint-Brieuc et la côte Nord", précise-t-il. Le Lyonnais Matthieu Bouselsal ne peut plus passer plusieurs mois sans se rendre en bord de mer. Il profite des reportages de l'émission pour choisir ses destinations de vacances. "Bretagne, Espagne, Cuba... Je suis malheureux si je n'y vais pas. Grâce à l'émission, j'ai appris à connaître la mer, explique-t-il. J'associe le littoral à un idéal, une forme de rêve éveillé." Il confesse que deux émissions sur les côtes italiennes l'ont particulièrement marqué.

En 2007, Thalassa évoque Rimini... "C'était fantastique parce que les journalistes se sont intéressés à sa plage mythique et les plagistes, la dolce vita, les personnes qui résident là et l'interaction de ce petit monde avec le milieu marin." Un autre épisode porte sur Palerme. "Et on y découvrait la misère sociale de deux frères quinquagénaires vivant encore chez leurs parents, la mafia, le tourisme et comment la ville dans sa diversité s'organisait autour de son milieu marin." 

"Thalassa a changé ma vie"

"Thalassa" bouleverse parfois des vies entières. Restauratrice en Normandie, Monique Poulet admet avoir tout changé après un reportage diffusé par l'émission en 1992. "Avec Michel, aujourd'hui mon associé, nous avons vu un reportage sur les algues sous toutes leurs formes. C'était la première fois que nous entendions parler des algues comestibles. Petit à petit, nous avons commencé à nous intéresser au sujet. Finalement, nous avons tout quitter pour nous installer en Bretagne. Un an plus tard, à Roscoff, nous avons créé Algoplus, entreprise spécialisée dans la récolte et la transformation d'algues marines." 

En 2015, à l'occasion des 40 ans de l'émission, la Finistérienne a participé à une série de portraits intitulés "Thalassa a changé ma vie". "Ce n'est pas juste une formule de le dire, c'est la réalité : l'émission a littéralement changé ma vie. Sans ce reportage je n'aurais pas créé Algoplus et ma vie serait totalement différente", renchérit-elle.

Le flou sur l'après-Pernoud

Le départ de Georges Pernoud, qui détient le record de longévité à la présentation d'une émission en France (37 ans), inquiète les téléspectateurs assidus. "Georges Pernoud fait partie de la famille. Ce changement de présentateur fait peur, reconnaît Matthieu Bouselsal. Je ne sais pas quelle direction l'émission prendra, si elle va garder sa liberté de ton et de choix des sujets traités, son exigence et les mêmes réalisateurs qui ne se prennent pas la tête. Les passionnés y restent sensibles et s'identifient aux passionnés qui animent l'émission."

Marc Hunsinger se tourmente davantage de la raréfaction de "Thalassa". En septembre 2016, l'émission est en effet passée d'une diffusion par semaine à une diffusion par mois. Le Franc-comtois regrette de voir à la place "des soirées de variété où on chante de vieux succès français". Mais Matthieu Bouselsal se rassure néanmoins en pensant à la présentatrice, venue de BFMTV, qui prend la succession de Georges Pernoud. "Fanny Agostini a suivi une formation de présentatrice météo, elle a cofondé une association qui défend le climat et elle sensibilise sur le changement climatique. Elle reste dans le ton militant de 'Thalassa'." Elle aura pour défi de prévenir le mal de mer des téléspectateurs.

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