Old school, snob ou sceptique : quel fan de séries télé êtes-vous ?
Du 22 au 30 avril, les inconditionnels de séries se retrouvent à l'occasion du festival Séries Mania, à Paris. A cette occasion, francetv info s'est interrogé sur les différentes facettes des fondus de feuilletons.
Séries d'auteurs, séries phénomènes, séries cultes… En faisant exploser les frontières et les genres, la production de fictions télévisuelles mondiales a gagné le respect et des millions de fans. Depuis mardi 22 avril, certains se pressent aux séances et conférences organisées dans le cadre de la cinquième édition du festival Séries Mania, à Paris. Jusqu'au 30 avril, les inconditionnels de séries télé pourront, entre autres activités, revoir ou découvrir les œuvres qui ont dynamité cette année la culture télé.
En proposant d'ingurgiter des saisons entières dans l'obscurité d'une salle de ciné, le festival célèbre aussi l'art de regarder des séries. Et dans ce domaine, à chacun son style. Pour fêter l'évènement, francetv info s'est penché sur les consommateurs de séries que nous sommes tous, ou presque.
Les consommateurs "old school"
Mercredi soir, les trois premiers épisodes de la saison 9 de Grey's Anatomy sont diffusés sur TF1. Environ dix-huit mois après leur diffusion aux Etats-Unis, fin 2012 sur NBC. Intolérable pour les fans (qui se procurent les DVD, regardent en streaming ou téléchargent illégalement), ce décalage ne dérange pas les picoreurs de séries, ceux qui dînent devant NCIS (M6), Castle (France 2) ou Mentalist (TF1). Ces consommateurs modérés qui pensent "chouette", lorsqu'ils tombent sur un épisode des Simpson en zappant et qui savent que s'il y a un roux avec des lunettes de soleil, c'est donc Les Experts : Miami. Ces consommateurs "à l'ancienne" ont gardé leurs habitudes héritées du temps où les séries télé ne passaient qu'à la télé (incroyable !), à heure fixe.
Ce qu'ils regardent : les séries dites "procédurales" (chaque épisode propose une histoire complète, comme dans Les Experts) ou hospitalières. En 2013, ces séries, surtout américaines, ont raflé 58 des 100 meilleures audiences de l'année en France, relève Puremédias. Leur secret ? D'abord, elles sont familiales, quitte à être censurées par les chaînes ou édulcorées au doublage, note Télé Loisirs.fr. Ensuite, elles sont rassurantes (on sait que le docteur House va découvrir que notre patiente souffre d'un lupus) et bien ficelées, expliquait-on en août. Surtout, elles peuvent se suivre, en théorie, dans un ordre aléatoire. Cette particularité autorise les chaînes à faire leur tambouille, choisissant parfois d'ouvrir la soirée sur un épisode important plutôt que de respecter l'ordre chronologique.
Les "ritualistes fanatiques"
"Je suis plutôt une spectatrice fidèle : je continue à regarder Grey's Anatomy par nostalgie même si la série est moins bien aujourd'hui. Je connais le jour de diffusion des épisodes aux Etats-Unis et je les regarde le lendemain en rentrant du taf, en streaming", explique Anna. Dans le couple, les séries ont imposé de nouveaux rituels, entre fanatisme partagé et concessions. Exemple : "Pas ce soir chéri, c'est True Detective." Anna raconte : "Il y a clairement les séries que je regarde seule et celles que je regarde avec mon copain (Homeland, typiquement). On avait commencé à regarder The Good Wife ensemble, mais ça a tourné au vinaigre. J'espérais qu'Alicia finirait avec Will (l'amant), quand lui était outré et prenait le parti du mari (Peter). A la fin de certains épisodes, on se faisait franchement la gueule. Du coup, on a arrêté. Enfin, j'ai continué à regarder, mais toute seule."
Quant à Boris, il reconnaît avoir "déjà regardé un épisode de New Girl sans [sa] copine, sans lui dire, parce qu'elle n'est pas aussi boulimique" que lui. Selon le portail de vidéo à la demande américain Netflix, qui a tenté de quantifier cette nouvelle forme d'infidélité en 2013, 12% des personnes interrogées disaient avoir été trahies de la sorte par leur conjoint.
Ce qu'ils regardent : eux optent volontiers pour les succès d'estime (mais pas seulement). Ceux-là mêmes qui pullulent sur le réseau câblé américain et dont la diffusion imminente sur une chaîne généraliste française (ni câblée, ni cryptée) semble improbable. Ces séries, bien qu'archi-populaires, n'ont pas vocation à rassembler toute la famille sur le canapé. Sexe, violence, langage fleuri : dans sa dernière campagne, à voir notamment sur le site Konbini, la chaîne câblée américaine HBO se vante d'ailleurs de ne pas être rassembleuse. Mieux, elle se félicite de ne plus être tout à fait de la télé, grâce à son option "replay" (qui permet de regarder sa série quand on le souhaite).
Les "binge-watchers"
Netflix encourage par ailleurs une autre attitude peu recommandable : le binge-watching, qui consiste à ingurgiter un grand nombre d'épisodes à la suite, voire toute une saison. En rendant disponibles tous les épisodes d'une saison d'un coup, le portail soumet les accros à la tentation : "J'ai déjà passé un week-end en couple dans une jolie maison en Bretagne au bord de la mer, sans décoller du canapé à cause de la première saison de House of Cards, avalée dans le week-end", reconnaît Camille. "Il m'est arrivé de me faire un long tunnel d'une série que tout le monde a déjà vue pendant un long dimanche d'hiver où tu ne peux pas mettre le nez dehors", renchérit Caroline.
Pour eux, ce site lancé début avril a permis aux intoxiqués du petit écran de constater avec effroi le nombre de jours passés (perdus ?) devant des séries. Vertigineux.
Ce qu'ils regardent : les séries produites par Netflix, et n'importe quoi tant que les saisons sont complètes et le tout disponible en DVD (plus le coffret est gros, mieux c'est).
Les sceptiques
Caroline confie ne jamais avoir compris ce qui fascinait tant ses collègues dans le petit écran. Du coup, quand elle s'y colle, elle ne respecte pas plus les modes que les conditions de visionnage : "Les seules séries que j'ai vues, comme Friends, Scrubs ou The Big Bang Theory (...), je ne les ai regardées ni au moment de leur diffusion aux Etats-Unis ni à leur sortie en France, mais genre cinq ans après, et en mode décousu (l'épisode 5 de la saison 3 puis l'épisode 12 de la saison 5...)." Souvent, les téléspectateurs "pas convaincus" doivent se faire violence, poussés par la pression sociale. Sans culture séries, "impossible de participer aux conversations à la cantine avec les collègues", regrette Caroline. "Sans doute aussi que l'effet 'de masse' me rebute un peu, relève-t-elle. Comme si c'était un passage obligé de tout connaître de Six feet under ou de Breaking bad."
Ce qu'ils regardent : "Un peu de tout, mais pas grand-chose. Enfin si, le truc avec les gens sur l'île déserte, mais j'ai décroché. J'ai vu le truc avec le type qui dit 'legendary" tout le temps. Pas mal. Ça vaut le coup sinon, Sherlock ?"
Les exigeants
"J'arrive pas à regarder les trucs drôles, explique Gaël. Je ne supporte pas les rires enregistrés, j'ai l'impression qu'on te dit quand il faut rire. J'ai pas la télé et quand je regarde quelque chose, c'est autant pour me détendre que pour essayer d'apprendre quelque chose, c'est pour ça que j'aime particulièrement David Simon : parce qu'il parle de la guerre en Irak [Generation Kill], des ghettos de Baltimore [The Corner, The Wire], de la musique à La Nouvelle-Orléans [Treme]."
Si les consommateurs exigeants passent souvent pour snobs, eux assurent vouloir préserver leur santé mentale. Ainsi, dans le New York Times (en anglais), un éditorialiste se désole : "Le vaste terrain vague qu'était autrefois la télévision s'est changé en abondance d'excellence au point d'altérer fondamentalement mon rapport parcimonieux aux médias ainsi que ma vie." Comprendre : plus il y a de séries de qualité à la télé, plus la vraie vie devient misérable.
Ce qu'ils regardent : des œuvres de réalisateurs confirmés, des séries étrangères non-américaines et, bien sûr : n'importe quoi de David Simon.
Les cachottiers
"J'aime plutôt les trucs chiadés, mais il y a aussi des séries un peu honteuses que je regarde pour me vider la tête, type Revenge", admet Anna. Elle prévient : si le prénom n'est pas modifié dans l'article (il l'est), elle "niera en bloc". Quant à Sarah, elle n'a pas le temps de s'étendre sur le sujet mais lance tout de même : "J'ai un gros problème de consommation excessive avec Gossip Girl alors que je HAIS cette série et que j'ai HONTE de la regarder." Version majuscule. Vous êtes ce que vous regardez, a décrété la société. Même les grands de ce monde doivent afficher de bons goûts en matière de séries, explique Première.fr. Le site rappelle d'ailleurs que Michelle Obama apparaît dans l'épisode diffusé jeudi de Parks and Recreation, sur NBC.
Ce qu'ils regardent : officiellement, ce que regardent les "exigeants". Officieusement, ce que regardent les "old school", plus une floppée de séries estampillées "ados".
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