Que révèle "Leaving Neverland", le documentaire choc qui donne la parole à des victimes présumées de Michael Jackson ?
Le film comporte les témoignages de deux hommes accusant la star d'agressions sexuelles lorsqu'ils étaient enfants. Il a été diffusé les 3 et 4 mars aux Etats-Unis et le sera en France jeudi 21 mars, sur M6.
Le documentaire a fait l'effet d'une bombe outre-Atlantique. Dans Leaving Neverland, le réalisateur britannique Dan Reed jette une lumière crue sur la face cachée de Michael Jackson, à travers les témoignages de deux hommes, aujourd'hui âgés de 36 et 41 ans. Ils disent avoir été agressés sexuellement par le roi de la pop lorsqu'ils étaient enfants. Le document en deux parties, long de quatre heures, a été diffusé dimanche 3 et lundi 4 mars aux Etats-Unis, et le sera en France le 21 mars, sur M6.
Qui témoigne dans le film ?
Le documentaire est centré sur James Safechuck, aujourd'hui âgé de 41 ans, et Wade Robson, 36 ans, qui racontent comment le chanteur les aurait violés de façon répétée. Les deux hommes, ainsi que leurs familles respectives, sont les seules personnes à intervenir dans le film, qui ne fait appel à aucun autre témoin.
James Safechuck avait 10 ans lorsqu'il a fait la connaissance de Michael Jackson à Los Angeles, sur le tournage d'une publicité pour Pepsi. La star invitera ensuite le gamin à le suivre sur une tournée mondiale, avec la bénédiction de sa mère.
L'Australien Wade Robson a rencontré son idole lors de son passage à Brisbane, pour lequel il avait gagné des places VIP en remportant un concours de danse. Le lendemain, il aura le droit de revenir et de monter sur scène. Puis Michael Jackson invite Wade et sa famille à passer des vacances aux Etats-Unis, dans son ranch de Neverland, en Californie. Un vrai conte de fées pour ce garçon de 7 ans.
Pourquoi ces témoignages sont-ils accablants ?
A travers les témoignages de ces deux hommes, c'est le portrait d'un prédateur sexuel, pédophile, qui apparaît dans le documentaire. Le chanteur y est décrit comme manipulateur, exerçant une emprise sur ces enfants.
Le film s'ouvre sur une déclaration bouleversante de Wade Robson. "Michael a aidé ma créativité à se développer mais il a aussi abusé de moi sexuellement. J'avais 7 ans", lance-t-il. Wade Robson raconte avec beaucoup de détails les agissements de la star. Dans la demeure de Neverland, invité à dormir dans la chambre de Michael Jackson, Wade Robson affirme avoir subi câlins, baisers "avec la langue", caresses et fellations, relate Le Parisien, qui a pu visionner la première partie du film. L'artiste lui fait jurer de n'en parler à personne. "C'est comme ça qu'on se montre que nous nous aimons", expliquait Michael Jackson au petit garçon. "Il m'a dit que s'ils découvraient ce que nous faisions, lui et moi irions en prison pour le restant de nos vies", assure Wade Robson.
Michael Jackson tient le même discours à James Safechuck, le prévenant que si le secret était levé, leurs vies "seraient finies". La star aurait abusé de lui pour la première fois à Paris, dans une suite de l'hôtel Crillon, au cours de sa tournée Bad World Tour. "Il m'a initié à la masturbation. J'étais avec Michael, dans sa chambre. Il m'a présenté le truc en disant : 'Je vais te montrer quelque chose que tout le monde fait et qui va te plaire. Cette tournée a marqué le début d’une certaine forme de relation sexuelle de couple", témoigne-t-il. Parmi d'autres anecdotes, James Safechuck raconte qu'il n'arrivait parfois plus à uriner. Alors, le chanteur lui préparait des bols d'eau tiède où tremper son pénis, rapporte Le Figaro.
James Safechuck décrit aussi comment Michael Jackson a organisé, pour eux, un faux mariage dans sa chambre. Avec tout le cérémonial : échange des consentements, alliances… "J'aimais beaucoup les bijoux et il me donnait des bijoux en échange d'actes sexuels", raconte-t-il.
Ces accusations sont-elles nouvelles ?
Ce n'est pas la première fois que Michael Jackson est accusé de pédophilie. Mais le format du documentaire, avec de longs témoignages précis face caméra, qui se corroborent l'un l'autre, est particulièrement efficace. "Nous avons essayé de le faire suffisamment descriptif pour qu'il ouvre les yeux des gens, qu'ils soient confrontés à ce que signifie, pour un jeune enfant, être séduit et violé par un adulte pédophile", explique le réalisateur, interrogé par l'AFP. "Bien sûr que c'est choquant. C'est un crime très grave. Et cela ne doit pas être minimisé", poursuit Dan Reed.
Cela fait plus de vingt-cinq ans que Michael Jackson est confronté à des accusations de pédophilie. En 1993, un adolescent de 13 ans, Jordan Chandler, avait accusé le chanteur de l'avoir agressé sexuellement dans des conditions similaires à celles décrites par Wade Robson et James Safechuck. Mais finalement, un accord financier avait été conclu avec sa famille. Une décennie plus tard, un autre adolescent émet de nouvelles accusations qui débouchent sur un procès. Mais le roi de la pop est acquitté.
Lors de ces deux affaires, Wade Robson a d'ailleurs témoigné en faveur du chanteur, avant de revenir sur sa version en 2013, quatre ans après la mort de la star. "Je n'ai rien oublié de ce que Michael Jackson m'a fait, mais j'étais incapable de comprendre qu'il s'agissait d'abus sexuels", expliquait-il dans un entretien à la chaîne Today. Tout comme James Safechuck, il a attaqué en justice les héritiers de Michael Jackson, mais les deux plaintes ont été rejetées, les faits étant prescrits.
Comment réagissent les héritiers de Michael Jackson ?
Les héritiers de Michael Jackson réfutent les allégations du documentaire. Ils ont saisi la justice pour réclamer à la chaîne HBO 100 millions de dollars au titre de ce qu'ils qualifient d'"assassinat posthume". Certains membres du clan Jackson ont tout bonnement refusé de regarder le documentaire, critiquant une démarche motivée par l'argent. "Je connais mon frère, c'est mon petit frère. Il n'est pas comme ça", a ainsi affirmé Jackie Jackson sur CBS.
WATCH: @GayleKing asks @JackieJackson5 why he doesn’t intend to watch the #LeavingNeverland documentary.
— CBS This Morning (@CBSThisMorning) 26 février 2019
“He's my little brother. I know my brother. He's not like that.” https://t.co/ERSv0mBDaw pic.twitter.com/imX4QbSKbr
Comment le documentaire a-t-il été accueilli ?
Les communautés de fans du chanteur se sont déchaînées après la diffusion du film aux Etats-Unis. Sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #MJInnocent, ils s'emploient à décrédibiliser les accusations lancées par les deux victimes présumées. "Michael a été victime d'accusations fausses presque toute sa vie, venant de vautours avides d'argent ou de gloire. C'est la même chose", a notamment tweeté la musicienne Arika Kane.
To those trying to paint supporters of Michael as delusional or ignorant, It is simply passion for the truth. REMINDER: Michael was a victim of false accusations most of his life by money or fame hungry vultures. This is no different. #LeavingNeverland #MJInnocent #ProvenInnocent
— Arika Kane™ (@arikakane) 4 mars 2019
Le réalisateur du documentaire, Dan Reed, a également confié à l'AFP recevoir depuis des mois des messages de fans au vitriol. Même en France, le documentaire fait des vagues. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a indiqué avoir reçu 70 signalements, alors qu'il ne sera diffusé que le 21 mars.
Même si ses soutiens les plus fervents se font entendre, Michael Jackson voit son image largement écornée par ce film. Au Québec, plusieurs importantes radios ont retiré ses chansons de leur programmation. "Nous sommes attentifs aux commentaires de nos auditeurs, et le documentaire diffusé dimanche soir a suscité des réactions", a déclaré Christine Dicaire, porte-parole du groupe de média Cogeco, qui gère 23 stations de radio au Canada.
Au Royaume-Uni, le Sunday Times a remarqué que la BBC Radio 2 n'avait plus diffusé de chansons de Michael Jackson depuis le 24 février. Mais la direction de la radio publique a depuis démenti tout boycott.
Robert Thompson, professeur à l'université de Syracuse (Etats-Unis) interrogé par l'AFP, voit dans l'intensité des réactions un effet du mouvement #MeToo. "Le degré de conscience est plus élevé", affirme-t-il. Pour lui, "un documentaire aussi extrême pourrait complètement changer l'image posthume" du chanteur.
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