Streaming : pourquoi Netflix et son offre légale auront du mal à s'installer en France
Leader de la diffusion de films en flux continu sur le web aux Etats-Unis, l'entreprise pourrait débarquer dans l'Hexagone en 2014. A condition qu'elle parvienne à surmonter un certain nombre d'obstacles.
"Désolé, Netflix n'est pas encore disponible dans votre pays." Voilà le message qui s'affiche lorsqu'un internaute français, découragé par le blocage, jeudi 28 novembre, des sites de streaming illégaux de la galaxie Allostreaming, se tourne vers l'offre légale pour regarder ses séries et films préférés. A moins d'utiliser un VPN (réseau privé virtuel) ou une autre astuce informatique, il ne peut accéder à l'offre du géant américain.
Leader du marché aux Etats-Unis avec près de 30 millions d'abonnés (chiffre cité par Business Week), Netflix est pourtant un concurrent sérieux des sites illégaux, avec son catalogue de 100 000 films, émissions de télévision ou séries en accès illimité pour 8 dollars par mois (5,80 euros). L'entreprise produit même ses propres séries originales, comme House of Cards ou Orange is the new black. De quoi assouvir à bon compte vos envies de séries et de films dans le respect de l'industrie et des ayants droit.
Seulement voilà, le service a toutes les peines du monde à s'installer en France, où il n'a pas d'autorisation de diffusion. Alors qu'il pourrait finalement débarquer en 2014, francetv info détaille les obstacles qui se dressent devant le service.
1 La "chronologie des médias" allonge les délais
Derrière l'expression "chronologie des médias" se cache le calendrier qui règle l'ordre d'apparition d'une même œuvre sur les différents supports, à compter de sa première diffusion. Comme le relève Variety (en anglais), le calendrier français est l'un des plus contraignants d'Europe. Il faut en effet attendre trois ans entre la sortie d'un film au cinéma et sa mise en vente sur un service de vidéo à la demande (SVOD). En clair, La Vie d'Adèle, sorti en 2013, ne serait disponible qu'en 2016 sur Netflix, alors qu'il sera probablement diffusé sur Canal+ l'an prochain...
Aux Etats-Unis, le délai est négociable au cas par cas, et sa durée moyenne est de quatre mois. Le rapport remis par Pierre Lescure sur les contenus culturels numériques recommande pourtant une réduction de ce délai, qui paraît dissuasif pour un service comme Netflix. Mais l'industrie du cinéma et les chaînes de télévision tiennent à le conserver en l'état. Ils craignent que cette réforme menace le financement du cinéma français en affaiblissant les chaînes.
2L'exception culturelle française oblige à investir
En France, l'entreprise américaine aura une autre contrainte : s'adapter à l'exception culturelle, qui organise le financement de la production d'œuvres européennes ou françaises par les diffuseurs. Comme l'explique Slate.fr, un décret du 12 novembre 2010 oblige les services réalisant un chiffre d'affaires annuel net supérieur à 10 millions d'euros à investir de 12% à 26% de leur chiffre d'affaires dans la production locale.
Cette obligation, qui se justifie du point de vue de l'industrie culturelle française et fait du cinéma hexagonal un champion en Europe, pourrait donc échauder la plateforme américaine. D'autant qu'elle doit également prendre en compte la fiscalité française et intégrer les 20% de TVA si elle s'installe fiscalement en France. Sur ce point, le groupe pourrait préférer le Luxembourg afin de bénéficier, comme Google ou Amazon, d'une TVA moindre.
3 La concurrence s'organise
Alors que Netflix tergiverse, ses deux principaux concurrents en France, Canal+ et Orange, fourbissent leurs armes. Les deux groupes ont signé des accords de diffusion avec HBO, la chaîne américaine qui produit plusieurs grandes séries, de Sex and the City à Game of Thrones en passant par Les Soprano ou The Wire. Actuellement, les séries HBO sont disponibles sur le bouquet Orange 24 heures après leur diffusion, un accord signé pour quatre ans, précise Le Monde. Canal+ a, lui, obtenu la deuxième fenêtre de diffusion.
Orange ne se contente pas de piocher dans le catalogue HBO. Il proposera, fin décembre, l'un des plus gros cartons du moment, la série Breaking Bad, produite par AMC, trois mois après la diffusion du dernier épisode aux Etats-Unis. "Nous sommes confiants parce que nous avons boosté notre avantage compétitif en termes de distribution et de contenus avec des séries premiums et les programmes français", explique à Variety Sébastien Goales, en charge de la communication de la division contenu du groupe. Bref, si Netflix parvient à se plier aux particularités du marché français, il est attendu de pied ferme.
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