Viols et agressions sexuelles dans les festivals : quelles mesures les organisateurs prennent-ils face à ce fléau ?
Face à la multiplication des témoignages et des plaintes, les organisateurs des festivals commencent à se mobiliser.
La saison des festivals d’été est à peine ouverte que plusieurs cas de viols et d’agressions sexuelles sont déjà à déplorer. Sur les réseaux sociaux comme dans les commissariats, les témoignages se multiplient.
"J'ai entendu la tente s'ouvrir et se fermer et j'ai été violée. Je ne pouvais pas me débattre, mais j'entendais tout et je ressentais la douleur", écrit sur Facebook une femme qui raconte dans un récit glaçant comment elle a été droguée puis violée au Hellfest. Quelques jours plus tard, deux plaintes pour viol aux Eurockéennes de Belfort ont été déposées. Deux enquêtes ont été ouvertes, notamment pour viol sur mineure. C'est un fait : ces espaces de fête, de liesse, et parfois d’excès que sont les festivals peuvent rapidement se transformer en zone d’insécurité pour les femmes.
Des chiffres accablants
Selon une étude britannique publiée en juin 2018, 30% des festivalières de moins de 40 ans affirment avoir été victimes d’agression ou de harcèlement sexuel en festival au Royaume-Uni. Et la situation n’est pas plus réjouissante en France. L’association Consentis, qui lutte contre les violences sexuelles en milieu festif, a publié un sondage réalisé auprès de plus de mille fêtards français âgés de 18 à 25 ans. Résultat : plus de la moitié des femmes interrogées affirment avoir déjà été victimes de violences sexuelles en festival, bar ou boîte de nuit, contre 10% chez les hommes.
Face à des chiffres accablants et à la libération de la parole des victimes d’agressions sexuelles, les festivals ont compris qu'ils devaient prendre leurs responsabilités et s'engager à réduire les risques en leur sein.
Stands, actions de sensibilisation, ateliers et débats: depuis quelques années, les organisateurs - souvent en collaboration avec des associations - s’engagent pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles en festivals. Depuis 2014, l’association Stop harcèlement de rue intervient par exemple aux Solidays et à la Fête de l’Humanité. Ses militants sensibilisent le public par des actions de prévention, et agissent aussi en amont auprès des organisateurs et des bénévoles, “pour que les festivals soient un moment de fête pour tous.tes”, justifient les responsables de l’association.
Sensibilisation, ateliers et réalité virtuelle
Pour l’édition 2019, Stop harcèlement de rue sera aussi présente à Rock en Seine, aux côtés des associations Consentis et Handway, qui combattent les violences sexistes et sexuelles dans l’espace public.
A l’occasion du festival de rock parisien, progammé du 23 au 25 août, les trois associations tiendront un stand. Au programme : sensibilisation des festivaliers, activités ludiques (mise en situation de harcèlement en réalité virtuelle, quizz), et ateliers autour du consentement et des violences sexuelles.
Les trois associations ont remporté un appel à projet lancé par Rock en Seine. “Avec les vagues #MeToo et Balance ton porc, les organisateurs prennent la mesure du phénomène. Tout le monde sait que le problème se pose en festival, et il faut y remédier, notamment pour des questions d’image”, explique Hugues Moretto, bénévole à Rock en Seine et membre actif de Consentis.
“Rapidement, ce sont les organisateurs d’événements ou les collectifs qui sont venus nous démarcher, et non l’inverse”, se réjouit le jeune militant. En avril, les responsables du Weather Festival ont par exemple demandé à l’association d’être présente sur le site de l’événement pour prévenir des risques d’agressions et de harcèlement sexuels.
"Nous mettons tous les moyens possibles en oeuvre"
Un “point de vigilance particulièrement important cette année” pour Jérôme Tréhorel, directeur général des Vieilles Charrues. Depuis l’an dernier, les organisateurs communiquent massivement autour des violences faites aux femmes. Sur les écrans géants qui bordent les scènes du festival breton, les quelques 280.000 spectateurs ont pu lire les slogans “Non c’est non” ou encore “La différence entre la drague et le harcèlement c’est le consentement”, tout au long de l’événement.
“Le festival doit être un moment festif, de rencontre. Au nom de l’égalité des sexes, il faut que les femmes puissent y circuler librement, et c’est pourquoi nous mettons tous les moyens possibles en oeuvre”, affirme Jérôme Tréhorel, qui appelle à la responsabilité de chacun, concédant qu’il ne peut pas “mettre un agent de sécurité derrière chaque femme”.
“On sait qu’en festival comme dans la rue, des filles se prennent des mains aux fesses ou se font draguer avec insistance. Il faut traiter cette problématique partout tout le temps, et dans un gros festival comme le nôtre, on a un rôle de sensibilisation à jouer”, poursuit Jérôme Tréhorel.
Des zones non-mixtes expérimentées chez nos voisins européens
Si depuis quelques années, des initiatives fleurissent en France, certains de nos voisins européens se montrent plus radicaux. Depuis 2016, le festival britannique Glastonbury propose une zone exclusivement réservée aux femmes, le Sisterhood. Des artistes du line-up à l’équipe de sécurité, le casting est à 100% féminin. Le but des les organisateurs : créer un lieu sécurisant pour les festivalières, “à l’abri du regard des hommes”.
En Suède est né l’année dernière le premier festival du monde fait par et pour les femmes : le Statement Festival. Selon les organisatrices, il s’agit d’une “réponse aux innombrables abus dont les femmes ont été victimes lors de festivals de musique”. En 2017, quatre femmes avaient porté plainte pour viol et 23 autres pour agression sexuelle après le festival Brâvalla, plus grand festival suédois de musique. Face à l’ampleur du phénomène, les organisateurs ont préféré annuler l’édition 2018.
Pour Jérôme Tréhorel, il n’est pas souhaitable de “cloisonner” les festivals. “Il faut que tout le monde puisse passer un moment d’exception ensemble, dans le respect et la bienveillance”, conclut-il.
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