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Sept pistes pour lutter contre la hausse des prix de l'essence

Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a déclaré mardi qu'il prendrait des mesures à la fin du mois d'août pour limiter la flambée du coût du carburant. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une station-service de Saint-Herblain (Loire-Atlantique). La hausse des prix de l'essence pourrait décider le gouvernement à prendre des mesures.  (FRANK PERRY / AFP)

ECONOMIE - Le répit n’aura pas duré. Les prix de l’essence s’envolent à nouveau. Gasoil et essence ont pris deux cents la première semaine d'août. Peu à peu, le prix du litre se rapproche de son niveau record, atteint en mars-avril. 

Invité d'Europe 1 mardi 14 août, le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a donc annoncé que des mesures seraient prises à la fin du mois pour limiter la hausse. Avant cela, le 24 août, un rapport sur la transparence des prix dans les stations lui sera remis. Il rencontrera ensuite les responsables du secteur pétrolier, le 28 août. 

Outre le blocage provisoire des prix promis par François Hollande durant la campagne présidentielle, Pierre Moscovici a évoqué d'autres pistes : "un mécanisme dit 'taxe intérieure sur les produits pétroliers' flottante", "des mécanismes qui permettent aux plus défavorisés de bénéficier de réductions de prix" ou encore une action "concertée avec les distributeurs".

FTVi reprend les différents scénarios de cette lutte contre la flambée des prix de l'essence.

1 Le blocage provisoire, promesse de campagne

La mesure est très attendue des automobilistes. Près de neuf personnes interrogées sur dix (88%) sont favorables au blocage du prix de l’essence, d’après un sondage publié mardi 14 août dans L’Humanité. "Pour Total, cela signifierait 150 millions d’euros de perte, ce qui n’est pas grand-chose ramené au milliard de bénéfices de la compagnie en France", explique Thomas Porcher, professeur en marché des matières premières à l'ESG Management School à Paris.

Contacté par FTVi, Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), condamne lui cette mesure. "En France, on importe la moitié du gasoil. Si on bloque les prix sans toucher aux taxes et si les cours internationaux augmentent, on va se retrouver dans une situation où les importateurs achèteront plus cher qu'ils ne vendent. A terme, il risque d’y avoir des stations-service où on ne trouvera plus d'essence." 

Le Code de commerce précise que les prix ne peuvent être bloqués que dans "une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé". Pendant la guerre du Golfe, le ministre de l'Economie de l'époque, Pierre Bérégovoy, avait gelé les prix par décret, d'août à septembre 1990.

2 La taxe "flottante", coûteuse pour l'Etat

C'est l'autre promesse de campagne du candidat François Hollande. Au lieu de taxer un volume de pétrole, l’Etat pourrait choisir de taxer le prix au baril. Lorsque les prix de l'essence décollent, la taxe diminue mécaniquement pour absorber la hausse. Mais cette solution ferait perdre énormément d’argent à l’Etat, d'autant que le prix moyen du pétrole augmente chaque année.

"Dix cents en moins, c'est une perte de 4 milliards d’euros à la fin de l’année. Aujourd'hui, la France ne peut plus se permettre ce genre de mesure", analyse Thomas Porcher, interrogé par FTVi.

Entre 2000 et 2002, le gouvernement de Lionel Jospin avait déjà tenté l’expérience, en laissant glisser la taxe intérieure sur les produits pétroliers (Tipp). Avec un succès mitigé. A la pompe, le prix du litre n'avait baissé que de 1,5 cent. De son côté, l'Etat avait perdu beaucoup d'argent. Dans son édition du 9 août, le quotidien Libération cite un rapport de la Cour des comptes qui évalue le manque à gagner à 2,7 milliards d'euros.

3 Des mécanismes pour aider les plus défavorisés

Le gouvernement pourrait choisir de viser en priorité les foyers modestes, via un impôt crédit-recherche, ouvert en dessous d'un certain niveau de revenus et au-delà d'une certaine distance parcourue pour aller au travail.

"C’est la solution la plus simple, et, malheureusement, celle qui risque d’être choisie", estime Thomas Porcher. "Mais ce n’est qu’un pansement sur une blessure ouverte. Les utilisateurs concernés seront peut-être soulagés, mais tôt ou tard, on arrivera de toute façon à une essence à 2 euros le litre."

Ponctuellement, des initiatives ont été prises au niveau local. En juin 2008, la mairie de Castres (Tarn) avait fourni des bons mensuels d’une valeur de 30 euros, rapportait alors le site de La Dépêche. Pour en bénéficier, il fallait notamment être résident, habiter à plus de sept kilomètres de son lieu de travail et justifier d'un salaire inférieur à 850 euros. Deux stations-service avaient alors accepté d’être partenaires de l’opération.

4 Convaincre les distributeurs de surveiller leurs marges

Le face-à-face prévu le 28 août entre le gouvernement et les responsables du secteur pétrolier sera tendu. Compagnies pétrolières et distributeurs sont sur la défensive.

Sur le principe, Michel-Edouard Leclerc, patron du groupe du même nom, est favorable au blocage des prix - il l'a répété au micro d'Europe 1 le 9 août. Mais à condition que l’Etat mette la main à la poche. Ce qui signifie diminuer la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui représente 60% du prix de l’essence à la pompe, 50% pour le diesel.

Pour faire pression sur les distributeurs, Pierre Moscovici a donc commandé un rapport sur la transparence des prix pratiqués dans les stations, confié à l'Inspection générale des finances et au Conseil général des mines. "C’est la première fois qu'on connaîtra vraiment les marges nettes réalisées par les distributeurs", explique Thomas Porcher. "Jusqu’ici, on devait se contenter des marges brutes ou des informations de l’Ufip, qui estime sa marge nette à un cent d'euro par litre d'essence. Je pense qu'elle tourne plutôt autour de 4 cents."

5 Imiter le Royaume-Uni en réduisant les taxes

Au Royaume-Uni, le gouvernement n’a pas attendu. Le ministre des Finances, George Osborne, a décidé le 23 mars dernier de réduire la taxe sur les carburants. Pour compenser le manque à gagner, évalué à 2,2 milliards d’euros cette année, la taxe sur l’extraction en mer du Nord sera augmentée de 20 à 30%. Malheureusement, la France compte trop peu de sites d'exploration pour espérer pouvoir se rattraper de la sorte.

6 Ressusciter la vignette

Pour faire chuter le prix de l'essence, Thomas Porcher propose de baisser la TICPE à 0,5 cent le litre et de supprimer la TVA sur la TICPE. Pour compenser le manque à gagner de 3 milliards d'euros, une "vignette nouvelle formule" serait mise en place, dont le montant serait fixé en fonction du lieu de résidence et de la puissance du véhicule. "Quarante euros pour un ménage en province avec un véhicule de 4-5 chevaux, jusqu’à 200 euros à Paris pour une voiture de 12 chevaux", imagine-t-il. Une mesure plus juste, selon lui.

7 Laisser flamber les prix pour financer la transition énergétique

D'autres mesures sont plus radicales. Pour l'économiste Jean-Marie Chevalier, co-auteur de L'avenir énergétique : cartes sur table (Gallimard), les jours du pétrole sont comptés. Il propose donc d'augmenter massivement les prix de l'essence. De quoi renflouer les caisses de l'Etat tout en finançant la transition énergétique du pays. "Cela implique un effort de redistribution entre les plus favorisés et les plus pauvres", précisait-il pendant la dernière campagne présidentielle. Pas certain que les automobilistes apprécient.

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