"Blocus de Paris" : que veulent les agriculteurs ?
A l'appel de deux organisations syndicales, quelques centaines d'agriculteurs franciliens cherchent à bloquer, jeudi matin, des routes d'accès à la capitale.
Ils n'ont pas de bonnets rouges mais des tracteurs, des chevaux et des camions. "Entre 300 et 500 agriculteurs" se sont donné rendez-vous, jeudi 21 novembre, sur les routes de l'ouest francilien, pour un "blocus de Paris". Cette opération vise à perturber la circulation sur plusieurs axes routiers et ferroviaires menant à la capitale. "A certains endroits, il ne faut pas grand-chose pour bloquer Paris", a prévenu, mercredi, Damien Greffin, président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles d'Ile-de-France (FDSEA IDF).
Cette organisation syndicale est, avec les Jeunes agriculteurs d'Ile-de-France (JA IDF), à l'origine de la "mobilisation générale" contre une "surfiscalisation" imposée par le gouvernement. "On entendait parler de pause fiscale, et voilà qu'on nous parle d'écotaxe, de hausse de la TVA sur l'horticulture ou sur le monde équestre, se lamente Pierre Bot, secrétaire général des JA IDF, joint par francetv info. Nous demandons de la visibilité, plutôt que des changements de règles incessants et des empilements de réformes sans points d'étape."
"Certains voulaient partir en actions commando"
La liste des doléances est bien plus longue que celle des revendications concrètes, dans une région Ile-de-France à dominante céréalière. Le projet de réforme de la politique agricole commune (PAC) fait tousser ses perdants potentiels, du fait notamment de la redistribution d'une partie des aides des céréaliers vers l'élevage. "On va accuser de grosses pertes à cause de la baisse des aides de la PAC mais aussi de la baisse du cours des céréales", redoute Olivier Gousseau, agriculteur céréalier dans les Yvelines et membre de la FDSEA IDF, contacté par francetv info.
"C'est le ras-le-bol de la base qui nous pousse à agir, explique Pierre Bot, des JA IDF. Les agriculteurs se sentent dépassés sur tous les plans, fiscal, social, environnemental... Alors, on prend nos responsabilités à travers cette action." Dans un contexte d'agitation sociale, sous la pression de leurs adhérents, les syndicats cherchent au moins à éviter les débordements. "Ce qui se passe en Bretagne incitait les membres les plus virulents à vouloir partir en actions commando solitaires", reconnaît Pierre Bot.
Barrages filtrants
Les agriculteurs franciliens disent aussi leurs regrets sur l'orientation de la culture céréalière en France. "On est le dernier secteur qui tourne encore, on fait entrer des devises dans le pays, comme Airbus et le vin", affirme Olivier Gousseau, qui juge la culture conventionnelle sacrifiée sur l'autel du bio. "On devrait être les premiers moteurs du redressement en France, abonde Pierre Bot. Et pourtant, du fait des contraintes qui pèsent sur nous, on laisse l'Allemagne filer sur l'autoroute du développement mondial et on reste avec le frein à main sur la bande d'arrêt d'urgence."
A l'échelon national, les renforts se font pourtant attendre. La FNSEA, tout comme les JA, gardent leur distance avec le mouvement régional, sans doute pour ne pas se mettre les éleveurs à dos ou compromettre les négociations avec le ministère de l'Agriculture. L'appel à la démission du ministre Stéphane Le Foll pour "incompétence notoire", lancé en Ile-de-France, n'a pas dû, non plus, faciliter le soutien des instances nationales. "On n'en peut plus, il n'y a pas de dialogue avec le ministère", insiste pourtant Pierre Bot.
"Ca cafouille aussi au niveau de notre équipe, se désole Olivier Gousseau, de la FDSEA. Il y a des gens pour le mouvement et d'autres contre. L'opération ne nous plaît qu'à moitié." Cette désunion pourrait contraindre, jeudi, les manifestants à revoir à la baisse leurs ambitions de "blocus" de la capitale - une action qu'ils savent impopulaire auprès des automobilistes. Les barrages seront donc plus ou moins "filtrants" entre 7 heures et la fin de matinée, selon la FDSEA IDF. Les automobilistes devraient pouvoir passer, avec quelques revendications à lire pour la route.
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