Budget 2025 : "On ne va pas faire chaque année un choc fiscal, il faudra aller plus loin" dans les économies de dépenses, plaide Pierre Moscovici

Le premier président de la Cour des comptes était l'invité du "8h30 franceinfo", vendredi.
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Pierre Moscovi, premier président de la Cour des comptes, invité de franceinfo le 11 octobre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Sans doute", le budget 2025 est un budget de rigueur, mais "la rigueur, ce n'est pas un défaut, c'est une vertu", a souligné, vendredi 11 octobre, sur franceinfo le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, au lendemain de la présentation du projet de budget pour 2025. En revanche, il "ne croit pas" qu'il s'agisse d'un budget d'austérité. "Il n'y a pas d'austérité, il y a un réajustement, notamment par rapport à la dépense publique, mais aussi en termes de fiscalité", a commenté Pierre Moscovici.

"Quand on commence à ajuster les dépenses et quand on fait un certain nombre de mesures fiscales, on est dans une gestion plus rigoureuse", a-t-il souligné. Il a estimé dans la foulée, que "macro-économiquement, ce n'est pas un budget d'austérité, ce qui ne veut pas dire pour autant que tous les choix faits aient été pertinents et ça, c'est aux députés ou sénateurs à la représentation nationale d'en débattre avec le gouvernement".

"Nous avons encore une dépense publique qui est tout à fait conséquente", a-t-il insisté, constatant que même avec ce projet de budget, "on a quand même 56,3 % de dépense publique dans le produit intérieur brut (PIB) : c’est 9 % de plus que la moyenne de la zone euro". 

"C'est une question de crédibilité pour la France'"

"Il faut savoir d'où l'on part", a fait valoir celui qui est également président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), rappelant les brutales révisions de prévision de déficit pour 2024. "Il y a un an, on a voté le projet de finances pour 2024, avec un déficit prévu de 4,4% du PIB et à la fin de l'année 2024, on aura 6,1%", a-t-il insisté. "Ça veut dire que pendant cette année, se sont accumulés 52 milliards de déficits supplémentaires, a-t-il pointé. Quand on a ça, on est obligé de réagir".

"Pour les dernières années 2023 et 2024, on a eu des dérapages très importants, trop importants. Ce qui veut dire qu'il y avait eu des erreurs de prévisions", a-t-il regretté. Le projet de budget présenté jeudi en Conseil des ministres est, selon lui, "nécessaire parce que la France est aujourd'hui beaucoup trop endettée". Rappelant que la France est sous procédure de l’Union européenne pour déficit excessif, Pierre Moscovici a alerté qu'il s'agit "d'une question de crédibilité pour la France, notre crédibilité est en jeu, elle est scrutée". "Notre dette doit se financer et si nous ne sommes pas crédibles, ce taux (d’emprunt de la France) se renchérit", a-t-il développé, insistant sur le fait que l'objectif de "5% de déficit (pour 2025) doit être tenu".

Si ce projet de loi de finances marque un retour "à la raison", le président du Haut conseil voit toutefois des "zones de vulnérabilités ou de fragilités". "La prévision de croissance de 1,1% en 2025 nous paraît un peu élevée", a-t-il considéré, en raison "de l'ajustement budgétaire important" porté par le gouvernement qui ne devrait pas être sans effet sur l'économie du pays.

Inquiétude sur "le poids de la fiscalité"

Selon Pierre Moscovici, les économies dans les dépenses publiques et les hausses d'impôts vont retirer à la croissance "0,4 ou 0,5 points de PIB". Donc "pour avoir 1,1% de croissance, on aurait dû avoir une croissance spontanée assez élevée, ce que les chiffres ne disent pas", a-t-il tranché. Autre point sur lequel a mis en garde le haut-fonctionnaire : "on raisonne sur 5% de déficit en 2025, alors qu'en réalité, le document que nous avons dit, c'est 5,2%". "Ce qui veut dire qu'on postule que, pendant le débat parlementaire, il y aura encore 5 milliards d'euros, soit 0,2 point de PIB, qui seront adoptés par amendement", a-t-il expliqué. "Cela suppose une grande sagesse des parlementaires et une grande force de conviction du gouvernement", a-t-il averti.

Enfin, autre point d'inquiétude pour le premier président de la Cour des comptes, "le poids de la fiscalité" dans ce projet de budget 2025. Contrairement à ce qu’affirme l'exécutif, qui soutient que sur les 60 milliards d’euros d’efforts, les deux tiers, 40 milliards, viennent des économies et un tiers, 20 milliards, vient des hausses d’impôts, le Haut conseil fait une "lecture différente" : "L'effort fiscal est très important. Il est pour nous de l'ordre de 30 milliards d'euros et représente au moins la moitié de l'effort qui est demandé aux Français". "Pour cette première année, le poids de la fiscalité est important, pour les années suivantes, on ne va pas pouvoir recommencer", a-t-il argué. "On ne va pas faire chaque année un choc fiscal, il faudra aller plus loin" dans les économies de dépenses, a-t-il soutenu.

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