C'est ce que réclame le député européen PS, et économiste, Liêm Hoang-Ngoc dans un livre qui vient de paraître
Au delà de ce titre un peu choc, Liêm Hoang-Ngoc, membre du PS et économiste de profession, présente une ébauche de programme fiscal pour le futur candidat socialiste à la présidentielle.
Il nous explique ici le constat et les propositions qui'il fait pour réformer une fiscalité française qu'il estime "très peu redistributive".
- Pourquoi faut-il faire payer les riches ?
Liêm Hoang-Ngoc: Au-delà du titre un peu choc du livre, c"est un constat. Nous ne sommes pas seulement face à un problème de justice sociale, mais face à la nécessité de corriger les effets nocifs macro-économiques des politiques menées depuis 10 ans. Deux scénarii sont à l'oeuvre dans cette crise qui n'est pas terminée. Dans le premier, en France et en Allemagne, la stagnation des revenus des classes modestes et moyennes pèse sur la demande intérieure.
Dans le second, la croissance soutenue des USA, du Royaume-Uni, de l'Irlande et de l'Espagne n'a été rendue possible qu'au prix du surendettement des ménages subissant tout autant la crise du pouvoir d'achat. Cet endettement privé fut alimenté par le crédit hypothécaire et le crédit à la consommation que les banques ont ensuite titrisés.
Les politiques fiscales menées au cours de ces dix dernières années ont, au contraire, distribué du revenu en direction des hauts revenus, dont la propension à consommer est faible. Cette politique a agi marginalement sur la consommation des classes riches, mais a alimenté la spéculation financière et immobilière. Le rapporteur UMP du budget à l"Assemblée estime que les niches fiscales et sociales créées depuis une décennie représentent plus de 100 milliards d"euros de manque de recettes pour le budget. Or le déficit budgétaire tourne autour de 150 milliards...
- Vous évoquez une nouvelle classe de «rentiers »
Liêm Hoang-Ngoc: Une société de rentiers, comme au temps de Balzac, est en passe de se reconstituer. Mais il s'agit de "nouveau rentiers" tirant leurs revenus de la détention d'actifs financiers et non plus d'actifs fonciers. La part des profits des entreprises non financières distribuée aux actionnaires est passée de 25% à 65% entre les années 70 et aujourd"hui. Une part croissante des richesses produites est consacrée à la rémunération de la rente et non à l'investissement.
- Ne parle-t-on par pourtant d"une fiscalité lourde en France ?
Liêm Hoang-Ngoc: Le système fiscal français est très peu redistributif en raison de la faiblesse de la part des impôts progressifs, du poids des impôts proportionnels et des prélèvements indirects (la TVA représente 51% des recettes fiscales), ainsi que de l'existence de niches fiscales permettant aux riches de pratiquer "l'optimisation fiscale". Ceci explique le taux réel d"imposition très bas de Madame Bettencourt, qui est situé autour de 9%. Enfin, observons que malgré le taux apparent de 33,3% de l"impôt sur les sociétés, la France est attractive en raison de ses infrastructures et du niveau de qualification de sa main d'oeuvre. Elle est, selon les années, le 2e ou 3e pays d"accueil des investissements directs étrangers, souvent devant la Chine...
- Comment corriger ce système ?
Liêm Hoang-Ngoc: Les propositions que nous faisons avec Vincent Drezet (co-auteur du livre) s'inscrivent dans la perspective de l"article 13 de la Déclaration des Droits de l"Homme (Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.). Elles mettent en musique ces principes républicains.
Nous voulons un impôt sur les revenus progressif à assiette large. Celui-ci comportera une dizaine de tranches afin de ne pas pénaliser les ceux qui réussissent par des sauts de tranche trop importants. Le taux marginal maximum serait fixé au-dessus de 60%, comme dans les années 1960. Concrètement; notre réforme revient à fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG, en greffant un barème progressif sur l'assiette de la CSG, qui inclut tous les revenus. Les niches fiscales seraient reconsidérées une par une.
-Et l"impôt sur la fortune ?
Liêm Hoang-Ngoc: En ce qui concerne l"ISF, nous souhaitons sa remise à plat avec les autres impôts sur le patrimoine (donations et successions) pour créer un impôt progressif sur le patrimoine, assis sur une assiette large. Celui-ci comporterait un volet transmission et un volet détention. L"idée de cet impôt sur le patrimoine est de taxer les milliardaires et pas les millionnaires, contrairement à ce qui se fait aujourd"hui.
Afin de préserver les classes moyennes, il y aura des abattements importants sur la résidence principale et sur l"outil de production, notamment pour les commerçants et artisans, ainsi que les petites entreprises. Nous attendons de ces deux réformes, un rendement supplémentaire d"environ 30 milliards par an.
- Ne craignez vous pas l"exil fiscal en réformant la fiscalité ?
Liêm Hoang-Ngoc: Il ne faut pas surestimer ce risque. On estime que le nombre de riches quittant la France est seulement de 0,14% des personnes éligibles à l"ISF. Le montant des pertes de recettes liées à l'ISF est seulement de 0,63% de l"impôt collecté. En plus on ne parle jamais des Français qui reviennent et des étrangers riches qui s"installent en France.
- Les propositions que vous avancez dans le livre sont-elles celles du Parti Socialiste ?
Liêm Hoang-Ngoc: L'architecture de la réforme de la fiscalité telle qu"elle est définie dans le livre fait consensus au PS. Au sien du parti lui-même, les mesures en tant que telles ne sont pas encore détaillées ou chiffrées avec précisions pour des raisons liées à la campagne, au calendrier, mais ce n"est pas un sujet qui fait débat au PS.
- Un point central de la campagne présidentielle ?
Liêm Hoang-Ngoc: La fiscalité devrait être un thème central de la campagne présidentielle. Les citoyens européens sentent qu'on leur fait payer une crise dont elle n"est pas responsable à travers les politiques d'austérité. Il y a un sentiment croissant d"injustice et de rejet. Il y aura forcément un débat sur le bien fondé des politiques en cours et leurs aspects inégalitaires.
La montée des inégalités est devenue un thème central du débat social. Les gouvernements disposent d"un outil non négligeable pour corriger les inégalités de revenu : la fiscalité.
Il faut faire payer les richesVincent Drezet et Liêm Hoang-Ngoc
Seuil 14 Euros
Vincent Drezet est secrétaire national de l'Union SNUI-SUD.
Liêm Hoang-Ngoc est économiste, maître de conférences à l'Université Paris 1. Il est aussi député européen et secrétaire national adjoint en charge de l'économie au PS.
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