Comment Uber réussit à toujours faire la course en tête face à la concurrence
Même si les taxis peuvent être satisfaits après l'interdiction de l'offre UberPOP, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015, la bataille est loin d'être gagnée. Car l'entreprise américaine sait y faire pour imposer son modèle économique.
Des taxis parisiens ont mené, lundi 15 décembre, une opération escargot pour protester contre la "concurrence déloyale" du géant américain Uber. Dans leur viseur : UberPOP, offre payante de transport entre particuliers proposée par la plateforme américaine.
Les taxis ont apparemment remporté cette manche puisque UberPOP sera interdite en France dès le 1er janvier 2015, assure le ministère de l'Intérieur. Mais la bataille ne fait que commencer entre le leader américain des applications de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), déjà valorisé à plus de 17 milliards de dollars selon L'Express, et les taxis. Et le match semble bien inégal. Francetv info vous explique pourquoi.
Uber ne paie ni licence ni matériel
Qu'il s'agisse de VTC ou de son application UberPOP, Uber fait de la concurrence aux taxis parisiens... sans avoir à payer de plaque, ni de frais matériels. Guillaume Allègre, économiste au département Etudes de l'OFCE, considère que le principal avantage de la société californienne sur les taxis ne tient pas à l'innovation, mais à cette absence de mise de départ. "C'est sûr, les taxis qui ont payé 200 000 euros leur plaque sont un peu énervés par cette concurrence !" Et Karim Asnoun, secrétaire général de la CGT Taxis, de surenchérir : "Vous savez ce que ça représente, 200 000 euros la plaque ? Dix ans d'endettement à 1 000 ou 2 000 euros par mois !"
Conséquence ? Pour Guillaume Allègre, "si on ne réglemente pas les VTC, à terme, la licence de taxi ne vaudra plus rien". Les VTC "vont manger les taxis parce qu'un chauffeur qui a payé 200 000 euros sa licence, ou qui la loue autour de 2 000 euros par mois, ne peut pratiquer les mêmes prix qu'un VTC".
Uber bénéficie d'une avance technologique
Autre avantage pour Uber : son application pour mettre en relation le client et le chauffeur. "On serait demandeurs d'outils comme ça, avoue Karim Asnoun. D'autant que les outils technologiques fournis par les centrales de taxis pour les réservations entraînent un surcoût pour le chauffeur comme pour le client. Ce qui n'est pas le cas pour Uber."
A l'image d'autres plateformes dites "collaboratives", comme Airbnb, Uber a transformé une idée simple - faire coïncider l'offre et la demande - en plateforme performante. Dès qu'elle est ouverte, son application indique le nombre de voitures à proximité, et le temps d'attente.
Une technologie qui rend obsolète la maraude (le fait de prendre un client à la volée), que seuls les taxis peuvent pratiquer. Comme le souligne Guillaume Allègre, la différence devient de plus en plus ténue : les chauffeurs Uber n'ont "pas le droit de marauder, mais ils ont le droit de prendre ceux qui appuient sur le bouton de leur smartphone pour demander une voiture". Reste à voir, sur ce point, les décrets d'application de la loi Thévenoud. Mais, rappelle La Tribune, le Conseil constitutionnel a déjà tranché : les taxis n'ont pas obtenu le monopole de la maraude électronique. Et Uber s'en réjouit.
Uber ne tient pas compte des lois locales
Implanté dans 250 villes dans le monde, Uber a vu son service de VTC interdit à New Delhi (Inde) à la suite d'une plainte pour viol déposée par une cliente contre un de ses chauffeurs. UberPOP, le service de transports assuré par des particuliers, a été interdit les 8 décembre aux Pays-Bas, le 9 décembre en Espagne, et, en principe, le 1er janvier en France.
Pourquoi cette levée de boucliers qui arrive toujours plusieurs mois après le lancement de l'application ? Guillaume Allègre dissèque le processus : "Uber fait comme Airbnb : la société ne s'occupe pas des règles locales. Le contrat Airbnb lie deux particuliers. Pareil avec le contrat UberPOP : le service proposé se vend comme un autopartage entre particuliers, sur lequel Uber prélève sa dîme." Et s'il y a infraction parce qu'il ne s'agit pas d'un partage des frais, mais bel et bien d'une rémunération, c'est alors le chauffeur qui est en infraction, argue l'entreprise américaine.
Uber sait faire du lobbying
Les dirigeants d'Uber "sont sur le métier du lobbying règlementaire, pointe Guillaume Allègre. Ils proposent des activités interdites, appâtent les clients pour qu'ils défendent la plateforme et que la règlementation évolue dans leur sens." Et ça peut marcher. Pour l'économiste, "Uber va gagner là où les règlementations ne sont pas adaptées."
Malgré son interdiction annoncée au 1er janvier, Uber a confirmé à francetv info qu'elle poursuivait, pour l'instant, son activité UberPOP. Et elle va surtout mener une bataille juridique, à l'aide de son avocat Hugues Calvet, ancien conseiller référendaire à la cour de justice des communautés européennes de 1987 à 1991. Comme le soulignent Les Echos, "la société californienne ne conteste pas le fait de violer la loi, mais elle affirme que ce texte est anti-constitutionnel et contraire à la réglementation européenne. Tout l’enjeu pour Uber est donc de gagner du temps pour imposer ses vues."
Un temps utilisé pour lancer, sur son site, une pétition en ligne, relayée par ce tweet du directeur général d'Uber France Thibaud Simphal :
Je viens de signer la pétition #uberPOP ! Agissons pour la #mobilité partagée ! #ouiPOP https://t.co/dD4BLj27yK
— Thibaud Simphal (@tsimphal) 19 Novembre 2014
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