"En Espagne, les gens ne croient plus ce que leur disent les banques"
BARCELONE - Les mauvaises nouvelles s'accumulent pour les banques espagnoles. Mais au-delà des chiffres, que se passe-t-il au quotidien pour les clients espagnols ?
Les mauvaises nouvelles s'accumulent pour les banques espagnoles. Après avoir évalué à 62 milliards d'euros la somme nécessaire pour les sauver, le pays a ainsi officiellement demandé, lundi 25 juin, l'aide de la zone euro pour son secteur bancaire. Mais au-delà de ce chiffre faramineux, que se passe-t-il au quotidien pour les clients espagnols ? Qu'est-ce que la crise a changé ? Entretien avec Jofre Farrés Rosello, économiste au sein de l'Association des usagers des banques, caisses d'épargnes et assurances (Adicae, site en espagnol) de Barcelone.
On entend beaucoup de chiffres concernant l'Espagne, de données économiques qui peuvent sembler abstraites. Aujord'hui, quels sont les principaux problèmes des clients ? Pourquoi viennent-ils vous voir ?
Jofre Farrés Rosello : Il y a beaucoup de problèmes en Espagne, mais celui qui affecte le plus de gens en ce moment, c'est celui des actions préférentielles. Il s'agit d'un produit financier complexe et risqué qui a été vendu aux clients comme un produit sûr [plus de détails dans cet article de Mediapart].
Beaucoup de gens disent qu'on leur avait assuré qu'ils pourraient récupérer leur argent, qu'il y avait des garanties, mais évidemment ça ne s'est pas passé comme ça. Avec la crise et l'instabilité des marchés, les banques ne peuvent pas leur redonner l'argent qu'ils ont investi. Depuis l'automne dernier, de plus en plus de gens viennent nous voir pour qu'on les aide à régler leurs problèmes ou pour se joindre à des actions collectives.
Combien de personnes seraient concernées par ces ventes d'actions préférentielles ?
Selon nos estimations, un million, en particulier des petits entrepreneurs et des personnes âgées. Ce sont des personnes sans expérience, qui ont fait confiance à leur banque et ont mis de l'argent dans un produit qui ne leur était pas adapté. Aujourd'hui, ils ont besoin de récupérer leur argent à cause de la crise, du chômage, des coupes dans les retraites, et ils se rendent compte qu'ils ne peuvent pas, ou pas complètement.
Est-ce que les Espagnols sont en colère ? Que reprochent-ils aux banques ?
Oui, les gens sont très en colère ! Ici, on a eu le mouvement dit du 15-mai [aussi connu sous le nom du mouvement des Indignés]. Les manifestants condamnent le fait que le gouvernement sauve les banques et pas la population, essayent de se battre contre l'injustice... Aujourd'hui, il y a un problème de confiance en Espagne, mais il est davantage lié aux mauvaises pratiques des banques qu'à la peur que les établissements fassent faillite. Il n'y a pas de mouvement généralisé qui pousse les Espagnols à retirer leur argent aux distributeurs, par exemple. Pas comme en Grèce.
Le problème aujourd’hui est que les banques ont donné des crédits à des gens qui ne pouvaient pas se le permettre. Et qu'elles le savaient ! En outre, avec la crise, les clients se sont rendus compte qu'ils n'avaient pas mis leur épargne dans le produit qu'on leur avait vendu. Et beaucoup se disent : "Comment ma banque a-t-elle pu me faire ça, alors que je suis client chez elle depuis des années ?"
Est-ce que la situation a un impact sur le comportement des clients ? Qu'est-ce que la crise va changer chez eux, selon vous ?
On sent que les personnes changent d'attitude et de comportement. Elles ne croient plus ce que leur disent ou offrent les banques... Avant, la confiance était très forte en Espagne et on n’avait pas l’habitude de faire partie d’une association de consommateurs, par exemple. Maintenant, on fait des conférences où c'est le client qui nous informe.
Il est davantage au courant de ses droits. Il réalise qu'il est un acteur très puissant. Les citoyens prennent conscience qu'il faut un mode de consommation plus responsable, à la fois de leur part et de celle des entités financières. Ils exigent une transparence.
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