: Reportage "On veut des prix dignes, qui nous conviennent" : en Pologne, les agriculteurs manifestent leur colère contre les importations ukrainiennes
Sirènes d’alarmes, gilets jaunes, forêt de drapeaux nationaux blanc et rouge, mais aucun tracteur en vue en tout cas pour l’instant. Mardi, 10 000 agriculteurs polonais se sont rassemblés à Varsovie pour réclamer la fin des importations de produits agroalimentaires en provenance d'Ukraine mais aussi la révision du Pacte vert européen.
La crise agricole se poursuit entre la Pologne et l'Ukraine avec une rencontre prévue, mercredi 28 février, entre les ministres de l’agriculture des deux pays voisins. La Pologne compte parmi les plus grands soutiens de l'Ukraine depuis le déclenchement de l'offensive russe, mais les relations commerciales sont orageuses du fait de l'ouverture, par Bruxelles, des frontières européennes aux produits agricoles ukrainiens.
"On est en dessous des coûts de production"
Lukasz Biernat, qui cultive une centaine d’hectares dont 60 de céréales et de betteraves à sucre dans la région de Varsovie, prévient : "Aujourd’hui c’est un avertissement. Si ça ne donne rien, le 6 mars, on entre dans Varsovie en tracteur. On bloque Varsovie, comme Paris l’a été."
Avant de poursuivre : "Je n’arrive pas à vendre mon blé et mon colza, je le garde parce que je ne trouve pas d’acheteur à un prix correct. On est en dessous des coûts de production. L’an dernier on a eu des subventions pour soi-disant équilibrer tout ça, mais on ne veut pas de subventions de l’UE ou du gouvernement, on veut des prix dignes, qui nous conviennent."
En cause, la concurrence des produits ukrainiens, censés transiter par la Pologne. Mais cette restriction est purement théorique : le marché local est inondé, disent les agriculteurs qui fustigent aussi les normes européennes et un pacte vert qui pourtant ménage le secteur agricole. Stefan Graczyk est éleveur bovin près de Poznan : "Le pacte vert prévoit la réduction de la production en Europe avec la réduction des pesticides et des engrais. Mais les gens ne vont pas manger moins ! Simplement, on va importer de l’étranger, d’Amérique du Sud ou d’Ukraine."
"Nous avons besoin les uns des autres"
Routes et postes frontaliers bloqués, cargaisons répandues par terre, plus quelques banderoles pro russes : l’affaire tourne à la crise diplomatique entre Kiev et Varsovie, pourtant alliés face à Poutine. Et elle met sous pression le nouveau premier ministre Donald Tusk : "Bruxelles, ainsi que Kiev doivent comprendre que le maintien de la situation actuelle est inacceptable pour des centaines de milliers de personnes qui travaillent dur en Pologne et en Europe. Nous devons trouver une solution qui ne nuira pas à l'Ukraine mais les agriculteurs polonais ne peuvent pas en être les victimes. Ce serait la plus grande idiotie de l'histoire de nos nations que de nous quereller maintenant, parce que nous avons besoin les uns des autres comme jamais auparavant."
Alors les deux capitales se parlent. La preuve mercredi encore. Mais on est "loin d’un accord" reconnaît Varsovie dans cette guerre des céréales qui se joue à l’ombre de la guerre en Ukraine, et qui excède désormais les frontières polonaises.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.