Loi Travail : cinq questions sur la motion de censure
Après le recours du gouvernement au 49.3 pour faire adopter la loi Travail, la droite a déposé une motion de censure. Les députés se prononceront jeudi sur ce texte, qui a peu de chances d'être voté.
Ce rituel s'est déjà déroulé plus d'une centaine de fois depuis la naissance de la Ve République. Jeudi 12 mai, l'Assemblée nationale doit se prononcer sur une motion de censure déposée par la droite. C'est la réponse, classique, au recours du gouvernement à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter, sans vote ni débat, le projet de réforme du Code du travail. Petit tour de cette procédure.
A quoi sert une motion de censure ?
La motion de censure, explique le site Vie publique, est le principal moyen de contrôle exercé par l’Assemblée nationale sur le gouvernement. Elle a joué à plein sous les IIIe et IVe Républiques, périodes mouvementées qui ont connu une valse des gouvernements.
Une motion peut être déposée de façon spontanée par les députés pour censurer la politique d'un gouvernement (article 49.2 de la Constitution). Elle peut aussi être utilisée en réaction à l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte (article 49.3), comme c'est le cas pour la loi Travail.
Dans les faits, vu son peu d'efficacité sous la Ve république, la motion de censure permet surtout aux députés d'opposition d'interpeller le gouvernement sur sa politique.
Une motion a-t-elle déjà été adoptée sous la Ve République ?
Plus de cent motions de censure ont été déposées depuis la naissance de la Ve République en 1958, mais une seule a été adoptée, dans la nuit du 4 au 5 octobre 1962.
Mécontente de la réforme introduisant l’élection du président de la République au suffrage universel direct, la majorité parlementaire avait déposé spontanément cette motion de censure, en application de l'article 49.2. Adoptée, elle avait entraîné la démission du gouvernement Pompidou. En réaction, le président de la République, Charles de Gaulle, avait dissous l’Assemblée nationale. Et, le 28 octobre, les Français avaient adopté la réforme par référendum (62% de "oui"), soutenant le chef de l'Etat et désavouant l'Assemblée.
Depuis, aucune motion de censure n'a jamais été adoptée. Et aucune ne l'a été à la suite de l'emploi du 49.3 depuis 1958.
Quelles sont les conditions pour déposer une motion de censure ?
Il faut réunir au moins 58 députés pour déposer une motion de censure contre le gouvernement. Dans leur texte, les députés signataires développent les raisons les conduisant à vouloir censurer le gouvernement.
C'est d'ailleurs l'argument mis en avant par les "frondeurs" socialistes pour ne pas voter une motion "de droite" : "Une des difficultés, c'est que la motion de censure de la droite, elle a un contenu. La droite dit : 'On n'est pas d'accord avec cette loi parce qu'elle n'est pas assez libérale'. Nous, on pense le contraire. On n'est pas d'accord avec cette loi parce qu'elle est trop libérale", a expliqué Laurent Baumel, député PS de l'Indre-et-Loire, sur LCI.
Alliés au Front de gauche et aux écologistes, quelques socialistes opposés à la loi Travail cherchaient à réunir 58 députés pour déposer une motion "de gauche", avant mercredi 16h30, dernier délai. Effet collatéral : disperser les voix entre deux motions, donnant encore moins de chance à l'une et à l'autre d'être adoptée.
A-t-elle une chance d'être adoptée ?
Qu'il y ait deux textes ou un seul, il est peu probable qu'une motion de censure soit adoptée. Il faut en effet réunir sur le texte la majorité absolue à l'Assemblée nationale, soit actuellement 288 voix sur 574 députés (trois sièges étant vacants). Mission impossible, ou presque. Même si le PS a perdu en 2015 la majorité absolue des voix, l'opposition ne saurait réunir un tel nombre de voix, sauf coup de théâtre.
Pour dissuader d'éventuels rebelles, le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, a annoncé que ceux qui voteraient une motion de censure seraient exclus du groupe et du Parti socialiste.
Et si elle était adoptée ?
Si une motion de censure était adoptée, la loi Travail serait rejetée. Et le Premier ministre devrait remettre la démission de son gouvernement au président de la République.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.