: Tribune "Il est urgent de stopper la dérive libérale" : l'appel cinglant des Jeunes socialistes contre la politique du gouvernement
Dans une tribune publiée par francetv info, le président du Mouvement des jeunes socialistes vilipende la politique du gouvernement. Et appelle à la tenue d'une primaire à gauche pour la prochaine présidentielle.
Alors qu'il doit être présenté courant mars en Conseil des ministres, le projet de loi El Khomri réformant le Code du travail suscite de plus en plus de critiques, et en particulier à gauche. Dans une tribune publiée par francetv info, Benjamin Lucas, président du Mouvement des jeunes socialistes, appelle à "stopper la dérive libérale" du gouvernement, et à "rassembler la gauche autour d'un nouveau compromis". Il s'exprime ici librement.
Depuis quelques jours, beaucoup de tribunes, de pétitions, d’appels, de collectifs, de rassemblements et de débats spontanés montrent que la gauche est en ébullition. On la croyait sous le choc des offensives violentes venues des siens, qui remettaient en cause des années d’histoire et les raisons profondes de l’engagement de chacun. La gauche sait encore s’indigner et débattre, tant mieux !
Beaucoup parlent de rupture, et les motifs sont nombreux, tant la politique gouvernementale déstabilise l’équilibre historique entre la gauche d’adaptation sociale au libéralisme et celle de transformation de la société. C’est cette synthèse qui a permis pendant des années à la gauche de se rassembler, pour gagner les élections et agir sur le réel. Sans ce compromis, la gauche est balayée. Ceux qui proclament qu’il existe deux gauches irréconciliables la condamnent à sa disparition électorale et de son déclin politique.
La prochaine élection présidentielle peut en être l’illustration. Si la gauche se fracture dans la durée, elle perdra, car jamais l’extrême droite n’a été aussi forte dans les urnes et les esprits, et la droite profite déjà de l’impopularité de la gauche au pouvoir. Mais avant d’être une cause de défaite, la division est une conséquence. C’est la conséquence d’une politique qui ne garantit plus le compromis, la synthèse et donc le rassemblement.
Si nous voulons que la gauche puisse se rassembler et gagner en 2017, il faut créer les conditions de ce compromis.
"Comment pouvons-nous être crédible en faisant au pouvoir ce que nous combattions dans l’opposition ?"
Il est urgent de stopper la dérive libérale, la surenchère sécuritaire et identitaire, dans les mots et dans les actes. Aucun compromis n’est possible sur la base de projets et de discours qui sont empruntés à des familles politiques que nous combattons. Voilà pourquoi la remise en cause du Code du travail marque une volonté de rupture, tout comme l’est l’extension de la déchéance de nationalité. Dans ces deux cas, le débat ne porte pas sur des nuances ou des curseurs, mais sur ce qui touche aux fondements de notre histoire et de nos combats les plus récents.
Comment pouvons-nous être crédibles en faisant au pouvoir ce que nous combattions dans l’opposition ? La politique peut être simple et claire quand les conceptions antagonistes se font face et débattent. Reprendre les mots et les concepts de l’adversaire, choisir son terrain d’analyse et de présupposés, c’est donner le sentiment que la seule différence entre la gauche et la droite réside dans des postures.
Ce qui fait battre le cœur de la gauche, c’est l’aspiration à l’égalité. Tout découle de l’égalité ! C’est la condition de la liberté, de l’émancipation, de la solidarité et du progrès. Voilà la priorité.
"Ce qui est moderne, ce n’est pas de faire régresser des droits qui protègent les plus faibles au quotidien"
Affirmer l’obsession de l’égalité, c’est choisir de ne plus proclamer sur une tonalité martiale l’attachement à la République, mais en faire vivre les valeurs dans le quotidien concret de chacune et de chacun, en luttant contre les discriminations, le sexisme, en combattant la pauvreté, les inégalités et les injustices. Affirmer l’obsession de l’égalité, c’est refuser que la question identitaire prime sur la question sociale.
Il est de bon ton de se disputer l’appellation de moderne et de rejeter sur d’autres l’anathème de l’archaïsme. Cette dispute est elle-même un bel exemple d’archaïsme. Ce qui est moderne, ce n’est pas de faire régresser des droits qui protègent les plus faibles au quotidien, ce n’est pas de s’inspirer des politiques néolibérales des années 80, ce n’est pas non plus de répondre à la demande d’ordre par la course aux discours sécuritaires et anxiogènes. Ce qui est moderne, c’est de penser le monde de l’après-croissance, de la société du temps libéré qui partage le temps de travail et les richesses, qui adapte son droit aux nouvelles souffrances au travail et qui garantit à tous de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, et aux jeunes de conquérir leur autonomie. Ce qui est moderne, c’est de penser ce qui nous est commun, de le préserver.
"Une primaire est un bon instrument"
Le compromis qui peut permettre de l’emporter oblige à une nouvelle méthode. La démocratie n’est pas qu’un moyen, c’est une fin en soi. La façon dont nous faisons de la politique est périmée, elle a besoin d’air. Au-delà du renouvellement nécessaire des générations et des pratiques, c’est aussi à une autre conception de la politique, de l’implication citoyenne, de la place du mouvement social qu’il faut s’atteler.
Quand la gauche ne débat pas, ses divisions sont insurmontables. Une primaire est un bon instrument pour entamer ce travail de rénovation, et de remise en cause des institutions sclérosées de la Vème République. Elle offrirait des débats populaires, et un rassemblement final salutaire. Aujourd'hui, seul un espace de confrontation claire et assumée, devant tous ses électeurs, peut permettre de donner une nouvelle vie à la gauche et de reprendre pied dans la bataille des idées face à la droite et à l'extrême droite. Dans toute cette agitation, nous pouvons trouver une source d'optimisme : la gauche est bien vivante !
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