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Témoignages "Traités comme des esclaves" : des sans-papiers dénoncent leurs conditions de travail dans des centres de tri franciliens

Onze travailleurs marocains en situation irrégulière affirment avoir subi des insultes, du chantage et même du racket en travaillant pour l'entreprise de traitement de déchet NTI entre 2019 et 2022, en région parisienne.
Article rédigé par franceinfo - Jules Brelaz
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Onze travailleurs marocains occupent un centre de tri du 15e arrondissement de Paris depuis le 28 août pour dénoncer des conditions de travail indignes, le 29 août 2023. (JULES BRELAZ / FRANCE INFO)

"Discriminations, cadences infernales ou encore racket de la part des patrons" : l'entreprise NTI, sous-traitante de Veolia, Suez, Urbaser Environnement et Paprec, leader français du recyclage, est accusée d'exploiter des salariés sans papiers. Onze travailleurs marocains occupent depuis lundi un centre de tri du 15e arrondissement de Paris pour dénoncer des conditions de travail indignes et réclamer leur régularisation. 

Les trois femmes et six hommes sont tous originaires d'une région pauvre de l'Atlas marocain. Ils travaillent depuis 2019 dans des centres de tri de région parisienne. Payés en liquide 60 euros la journée, 80 euros la nuit, ils et elles sont affectés à la maintenance, à l'entretien, jusqu'à devenir des bêtes de somme raconte Amine, 23 ans : "On a été traités comme des esclaves, sans équipement de protection".

"Notre chef augmentait les cadences et nous disait de plonger et de nager dans la poubelle pour trier. On travaillait dans des zones confinées sans détecteur de gaz, sans masque à ventilateur, juste avec des masques chirurgicaux."

Amine, agent, 29 ans

à franceinfo

Insultes, chantage et racket

Ces travailleurs affirment avoir subi des insultes, du chantage, et même du racket. "On a souffert des insultes des chefs, pour continuer à travailler, il ne fallait rien demander et ne pas faire valoir ses droits", confie Moustafa 35 ans. "Le chef te demande de donner la moitié de ton salaire pour continuer à travailler", dénonce Ismaël 29 ans, agent polyvalent. "On payait 150 euros par mois pour continuer à travailler", précise Moustafa.

"On a vécu des choses horribles chez NTI et chez les entreprises donneuses d’ordre : des menaces, du chantage. On a travaillé sans déclaration avec des fausses promesses de régularisation qui n’ont jamais été tenues."

Ismaël 29 ans, agent polyvalent

à franceinfo

Les syndicats ont été mis au courant : "Ils et elles ont été surexploités", dénonce Ali Chaligui, délégué CGT transports, branche des activités de déchets, qui soutient ces travailleurs sans papier. "Ils n'avaient aucun répit, pas de 13e mois, pas de congé. J'ai vu des photos de salariés il y a quatre ans et des photos quatre ans plus tard. Ils ont pris 15 ans."

Onze travailleurs marocains occupent un centre de tri du 15e arrondissement de Paris depuis le 28 août pour dénoncer des conditions de travail indignes, le 29 août 2023. (JULES BRELAZ / FRANCE INFO)

Le syndicaliste rappelle que "le secteur de la propreté, ce sont des métiers déjà pénibles, et là, la pénibilité a été amplifiée du fait du non-respect des accords d’entreprise, de la convention nationale des activités du déchet et du cadre légal".

"La vitesse du tapis de tri était accélérée pour les salariés sans papiers. Ils étaient affectés à l’entretien, au débourrage, au curage et la remise en état des fours, les travaux les plus exposés aux risques d’accident sans aucune protection adaptée aux risques."

Ali Chaligui, de la CGT Transport, filière traitement des déchets

à franceinfo

Leur avocate Katia Piantino, avocate au barreau de Paris, représente les 11 salariés et la FNST-CGT. Elle a déposé mardi 29 août un dossier aux Prud'hommes afin d'obtenir des dommages et intérêts suite aux préjudices subis, ainsi que des rappels de salaires. "On est vraiment dans des conditions de travail indignes et on considère que c'est de la traite des êtres humains", prévient l'avocate.

Katia Piantino, avocate au barreau de Paris

Les salariés et leur avocate comptent "chercher la responsabilité des donneurs d'ordre, donc les filiales des sociétés Veolia, Paprec, Suez et Urbaser"."Elles ont des obligations de vérification que le sous-traitant n'effectue pas de travail dissimulé et n'embauchent pas de salariés sans papiers", précise l'avocate.

Onze travailleurs marocains occupent un centre de tri du 15e arrondissement de Paris depuis le 28 août pour dénoncer des conditions de travail indignes, le 29 août 2023. (JULES BRELAZ / FRANCE INFO)

Veolia et Suez condamnent ces pratiques

Veolia dit ignorer l’éventuel emploi de salariés sans-papiers par NTI. Dans un communiqué, l'entreprise "condamne toute pratique de travail irrégulier/illégal et applique la plus stricte vigilance aux conditions d'exécution de l’ensemble de ses contrats de sous-traitance en ligne avec son devoir de vigilance qui prévoit, conformément aux réglementations en vigueur, la demande régulière des attestations de vigilance de l'Urssaf et de la liste des salariés étrangers, etc."

Veolia affirme que ces dispositions ont également été mises en place dans le cadre des contrats de sous-traitance avec des sociétés du groupe NTI entre 2019 et 2022. "Dès lors que nous avons détecté des incohérences dans les éléments de réponses fournis par NTI, Veolia a pris la décision d’arrêter de travailler avec ce prestataire." Les équipes de Veolia "étudieront précisément chaque situation individuelle qui leur sera soumise", après l'enquête de l'inspection du travail. "Toutefois, à ce jour, la situation évoquée est trop imprécise pour qu’une réponse collective puisse y être apportée", ajoute la société.

De son côté Suez, affirme traiter le sujet "très sérieusement" et dit "procéder à des vérifications vis-à-vis de ce prestataire".

Sollicités, Paprec et Urbaser n'ont pas donné suite. De même qu'AR Environnement, ex-NTI, qui n'a pas répondu. NTI a été liquidée en mai dernier, quelques mois après un contrôle de l’inspection du travail.

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