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Handicap au travail : cinq idées reçues démontées par les travailleurs handicapés

Article rédigé par franceinfo - Axel Roux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
En France, les entreprises qui emploient au moins 20 salariés sont dans l’obligation de compter dans leurs rangs au moins 6% de travailleurs handicapés. (CHASSENET / BSIP)

Alors que s'est ouverte, lundi 14 novembre, la 20e semaine de l'emploi sur le handicap au travail, franceinfo est allé demander aux principaux intéressés ce qu'ils pensaient des stéréotypes rencontrés dans le monde du travail.

La 20e édition de la semaine de l'emploi des personnes handicapées a débuté lundi 14 novembre. A cette occasion, Ladapt, l'association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées, a organisé lundi un job dating (une série d'entretiens d'embauches réalisés en quelques minutes) au Centquatre, à Paris, avec des travailleurs handicapés qui recherchent un emploi. L'objectif : démystifier le handicap dans le monde du travail. Mais certains stéréotypes ont la vie dure.

Franceinfo a rencontré une partie des candidats et leur a demandé de démonter les plus gros clichés qu'ils ont rencontrés sur le handicap dans le monde du travail.

“Ça ne va pas le faire, il n’est pas assez compétent”

C’est sans doute l’idée reçue la plus prégnante. Les travailleurs handicapés seraient moins productifs que leurs collègues. Christophe, 27 ans, est diplômé d’une école d’ingénieur et spécialisé en cybersécurité. Son profil est ultra-qualifié, mais Christophe est atteint d'un handicap lourd sur lequel il préfère ne pas s'épancher. Moins compétent qu’un autre ? L’argument le fait doucement rigoler. Pourtant, il reconnaît aisément qu’en France, bon nombre d’entreprises restent réticentes à l’idée de l’embaucher. "J’ai réalisé des stages à l’étranger donc je peux comparer. Dans les pays anglo-saxons, les entreprises laissent davantage d’opportunités aux travailleurs handicapés." La raison, selon lui : de meilleurs aménagements dans les entreprises et une meilleure sensibilisation au handicap dans la société civile.

"Ici, les recruteurs se disent trop souvent : 'Ça ne va pas le faire, il ne va pas être assez compétent'", estime le jeune homme. "Il faut montrer deux fois plus que les autres de quoi on est capable", confirme un peu plus loin Radhouane, 34 ans et atteint de myopathie, qui souhaite comme beaucoup d'autres "que les entreprises ne s’arrêtent pas au handicap".

Dans l’Hexagone, les entreprises qui emploient au moins 20 salariés sont dans l’obligation de compter dans leurs rangs au moins 6% de travailleurs handicapés. Un dispositif "nécessaire" pour Hamza, 25 ans, titulaire d’un Master en logistique et handicapé par une affection neurologique. Mais cette obligation est également à double tranchant. "On doit essayer de prouver deux fois plus qu'on mérite notre place, dit-il à franceinfo. De montrer qu’on vaut plus qu’un simple quota."

"Il est où, votre fauteuil ?"

C'est un autre cliché éminemment répandu. "Quand on parle des travailleurs handicapés, on imagine tout de suite des gens dans un fauteuil", sourit Bertrand, 31 ans, à la recherche d’un emploi dans la communication et l’évènementiel et reconnu travailleur handicapé en raison de troubles psychiques. En réalité, "seuls 2 à 3% des travailleurs handicapés sont en fauteuil roulant", prévient Sophie Le Moal, responsable action emploi à Ladapt. Sur 12 millions de Français touchés par le handicap, 80% d’entre eux ont un handicap invisible, note Talentéo, le site d’expertise consacré au handicap.

Une réalité souvent méconnue du grand public, et donc du monde du travail, explique Bertrand : "Un handicap invisible, ça intrigue… On vous regarde bizarrement, vos collègues peuvent se demander si vous souffrez vraiment." Diagnostiqué, en mai dernier, comme étant atteint d'une sclérose en plaques, Coraline, 34 ans, explique : "Les associations mettent tout le temps en avant les personnes en fauteuil roulant dans leur communication... Au final, c’est super réducteur. C'est difficile de parler de son handicap alors qu'on renvoie l'image de quelqu'un qui va bien. On se prend dans la gueule : 'Il est où, votre fauteuil ?'"

"Lui, il va être plus souvent absent que les autres"

"Pour moi, le plus important, c’est de faire comprendre que j’ai toujours les capacités physiques pour le job", témoigne Marc, 50 ans, ingénieur d’affaires, atteint d’une hernie discale depuis une dizaine d’années. Professionnel de la vente et de la négociation, ce commercial a fait des longs trajets son mode de vie. Malgré la gêne et l’acquisition d’une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) il y a deux ans, il ne s’est jamais senti pénalisé par son handicap dans sa vie professionnelle. "Mon handicap ne m’a pas empêché de mener à bien les deux plus gros projets de ma carrière ou de reprendre des études loin de mon domicile", explique-t-il à franceinfo. 

Actuellement à la recherche d'un emploi, il préfère sourire de sa situation et de l'initiative du job dating : "J'espère juste qu'ils ne vont pas me proposer un job de déménageur."

Coraline bénéficie d’une RQTH depuis deux mois. Bien décidée à "remettre les pieds dans le travail", elle découvre les clichés liés aux travailleurs handicapés. "On pense tout de suite que le travailleur handicapé ne va pas être fiable sur la durée. On se dit : 'Lui, il va être plus absent que les autres'", peste cette ancienne communicante, qui cherche désormais à se lancer en libéral. Un stéréotype infondé. Selon une étude produite en 2005 par l’Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph), les travailleurs handicapés ne sont pas plus absents que leurs collègues "valides".

"Chez bon nombre de travailleurs handicapés, on constate une volonté très forte d’y arriver, explique Valérie Wack, DRH du Groupe Pomona, présente au job dating. Certains ont vécu des moments de ruptures très durs. Alors quand ils trouvent un job, ils y tiennent."

"Il va falloir faire plus attention à lui"

En France, la démarche de se faire reconnaître comme travailleur handicapé est avant tout personnelle et confidentielle. Ce statut ne peut être communiqué à l’équipe de travail sans le consentement de la personne concernée. Pour autant, quand le handicap n’est pas visible, "ça peut être compliqué de le dire quand on démarche, car on a surtout envie d’être traité comme n’importe qui", reconnaît Marc.

Pour Hamza, dont le fauteuil roulant électrique passe difficilement inaperçu, l’envie est à peu près la même. "Je n’ai pas besoin de davantage d’attention. Je suis une personne comme les autres. Je ne vois pas pourquoi on se focaliserait plus sur moi que sur un autre."

Et d’assurer : "Il n’y a rien de plus énervant que d’entendre dire en entreprise : 'Il va falloir faire plus attention à lui.'"

"On n'a pas les moyens d’aménager l’entreprise"

Enfin, certaines entreprises restent encore réticentes à l’idée de devoir aménager l’accessibilité de leurs locaux. "J’ai postulé il y a deux mois dans deux entreprises différentes. Toutes les deux m’ont dit que mon profil correspondait parfaitement, mais qu’elles n’avaient pas les moyens pour aménager l’entreprise", explique Hamza, dépité.

Un argument malhonnête aux yeux de Christophe, qui rappelle que depuis 2007, l’accessibilité dans les entreprises est une obligation légale pour les entreprises créées depuis cette date. Pour les locaux construits ou aménagés antérieurement, des travaux d’adaptation et d’aménagement peuvent être financés grâce à l’aide de l’État, à l’image du crédit à taux privilégié du Crédit coopératif.

Malgré cela, certaines entreprises préfèrent s'acquitter de la taxe à l’Agefip plutôt que d'employer des personnes handicapées. "Le jour où un employé arrive en béquille à cause d’une chute de ski, tout le monde est content d’avoir une entreprise accessible", remarque pourtant Christophe.

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